Oratorio, de Benjamin Duboc et Jeanne Benameur, par Claude Parle
Icosikaihenagone… 21 membres … 21, la carte ultime du tarot, Le Monde … *
Ainsi créé, benjamin Duboc nous affirme sa volonté créatrice de mondes
Cela commence, bien sur par la parole, le verbe repris ou arraché de force aux oiseaux, à moins qu’un invisible Silbo ne se fut infiltré dans l’ensemble, illustrant de sa voix sifflée l’unique lame du Tarot sans nombre …
Le monde, oui, on pourrait dire l’univers entier, tant force que souplesse en ce groupe fascine, accréte & enlie nos coeurs à sa puissance évocatrice …
Envol délicat et subtil, on imagine une orée calme, à peine bruissante d’où s’échappent les trémulants appels d’étranges oiseaux … puis cela se singularise, comme une sorte d’incarnation végétale de cris et de chuchotements …
aussi incongrus que la ”Voix Humaine” d’un Cavaillé-Coll …
Comme on s’enfonce dans la forêt, voici que s’élève doucement une mélodie d’un autre âge …
d’où surgit la parole …
Oratorio, Jeanne Benameur, merveilleuse écrivaine, des textes à corroder le grès, à fendre les récifs, à pleurer des lumières …
Et cela lève tout un orchestre, un immense orchestre, une planète orchestrée en une galaxie naissante, les sons lentement nous envahissent, se fondent en nous en un alliage étrange, l’eutectique en nos corps grave son chemin constellé, nous incarnant de notes …
« Partout la chasse … Il n’y a plus de pourquoi …
Nous avons peur, nous avançons … »
Un mur d’oreilles, lentement semble s’élever, on se sent comme poussés par ces croissances bizarres, spectateurs, possédés par cette fatale alchimie, un immense vertige s’empare de tout cela et Hommes-Orchestre comme un fabuleux Nostromo, filons, enliés dans la sidération cosmique, vaste, infinie, nous échappons à la terre déserte, sèche, dépourvue …
Maintenant le calme, l’écriture douce, l’avénement d’une vie neuve, un monde enfin s’offre à nous …
Mais il convient de parler de cette écriture, de ce type d’approche
orchestrale, et de la belle incrustation des voix, si délicat sujet ! … Car ici la parole, telle un gisement précieux, est en la matière même de la musique.
Il y a une approche spectrale de l’écriture, mais pas trop de l’instrumentarium, cela n’a plus le temps d’aboutir, mais cela reste présent, construit.
La question est résolue par l’irruption du rythme, par une sorte d’ostinato modulaire, changeant d’instrument au gré du temps, temps de la narration, temps des accords, temps des dis-accords …
Cette délicate question de la parole dans les sons se résout si simplement, si naturellement que cet épineux problème semble ne jamais s’être posé ! … Le corps-parole, ce nouvel instrument vient de voir le jour …
Le corps entier est une immense oreille disait Tomatis, en voila une preuve évidente …
«Je pose mes paumes à plat sur la terre, j’entends partout le corps maintenant, le sang qui bat dans mes veines rejoint le rythme lent des racines sous la terre, j’entends le monde …»
L’heureuse écriture des clarinettes vient, a tempo, réduire comme sauce, le splendide périple de ce fabuleux orchestre … instruments & voix mêlés, presque indiscernables… hybrides …
Puis la puissance de la masse orchestrale s’enhauce s’enhardit se déhoise se …
Soudain Rien ! … tout a disparu, la force s’est déchirée …
Silence …
Silence.
C.P
* Note explicative …
Précisément, au Tarot, la lame 21, la dernière qui porte un numéro,
est Le Monde : lame aux vertus totalisantes, véritable aboutissement de la quête spirituelle.
En numérologie, le 21 évoque là encore le succès, l’accomplissement, l’aboutissement. C’est un nombre parfaitement équilibré, entre esprit de collaboration avec les autres
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Publié chez Dark Tree
Benjamin Duboc (composition et orchestration)
Jeanne Benameur (livret / récitante)
Icosikaihenagone :
Émilie Aridon-Kociołek (piano), Sébastien Beliah (contrebasse), Cyprien Busolini (alto), Jean-Luc Cappozzo (trompette), Guylaine Cosseron (voix), Jean Daufresne (euphonium), Isabelle Duthoit (voix et clarinette), Amélie Grould (percussions), Franz Hautzinger (trompette), Sylvain Kassap (clarinette basse), Claire Luquiens (flûte), Dorian Marcel (contrebasse), Jean-Sébastien Mariage (guitare électrique), Fanny Meteier (tuba), Gaël Mevel (violoncelle), Mathias Naon (violon), Alexis Persigan (trombone), Jean-Luc Petit (clarinette contrebasse et saxophone sopranino), Diemo Schwarz (électronique, rim), Thierry Waziniak (percussions)