L'évangile selon Saint Mingus (Z-Band)
Rendez-vous raté avec les blogueurs du Z-Band (voir articles plus bas).
Tentative de rattrapage avec une chronique de concert
d'il y a plus de 45 ans (il me reste quelques neurones encore actifs, rassurez-vous). Plutôt chronique d'une époque, écrite vite vite !
Quasi bambin s'offrant ses premiers émois de concerts, sous la houlette de Charlie Mingus, l'un à la salle Wagram, l'autre au Théâtre des Champs Elysées, en 1964
Pourquoi ce musicien pour un dépucelage musical ?
Simple simple.
Un jazz qui ronronnait malgré un hard bop tonitruant, avec Art Blakey, Cannonball, Horace Silver, Kenny Dorham ... Pourtant, ils nous baignaient dans des thèmes fantastiques, des pulsations de rêve, des couleurs bluesy à en rêver encore plusieurs décennies plus tard. Miles était entre deux périodes, tout auréolé de ses révolutions passées ... Et l'écoute encore et encore de Charlie Parker, de Dizzy et des autres.
Que vouloir de plus ?
Le monde se remettait à bouger.
Dans les revues de
jazz, il n'y avait pas de mots assez critiques pour fustiger les
démarches balbutiantes d'une "nouvelle chose", le free jazz. Avides, on
cherchait les rares jugement conciliants. Peine perdue. On nous ventait même le retour aux sources, au New Orleans, comme seule voie salutaire.
Les conventions, les canons, étaient faits pour être bousculés. Il nous fallait des rebelles.
Ce furent Monk et ses hésitations calculées, un Mingus toujours en colère, amoureux transi de Duke, Dolphy l'extra-terrestre, Rollins et ses remises en question, Coltrane qui enfonçait tous les codes, le doux poseur de bombes, Ornette, qui faisait encore la plonge pour gagner sa vie, Ayler totalement inaudible, et j'en passe. Tous ne se reconnaissaient pas dans le free, mais sans eux, pas de jazz actuel.
Alors, tout juste adolescent, il fallait sortir, pour Dolphy et Mingus.
Autorisation du bout des lèvres du pater familias.
Sortie avec les copains du Jazzland. C'était un garage désaffecté du côté d'Avron, où on écoutait, fébriles, des disques Candid (Newport Rebels ...), Contemporary (Something Else ...); où quelques uns faisaient leurs premières armes sur leurs instruments; où de jeunes artistes venaient voir les gamins, et jouer avec eux, comme Aldo Romano; et il y avait des filles, et j'étais très timide ...
Sortir et voir !
Salle Wagram (17 avril 64): Charlie Mingus (b, lead, comp) - Eric Dolphy (as, bcl, fl) - Johnny Coles (tp) - Clifford Jordan (ts) - Jaki Byard (p) - Dannie Richmond (dm)
Souvenirs confus. Une salle de bal ou presque, des tables et des chaises pliantes. La fumée des cigarettes. Les bières. Un musicien qui quitte la scène (Johnny Coles, malade) et un orchestre qui se reconfigure rapidement.
Théâtre des Champs Elysées (18 avril 64). Un bonhomme fessu, jouant quelques notes de piano, puis saisissant à pleine main les cordes de sa contrebasse, les étirant d'une manière démesurée. Un saxophoniste qui s'échauffe les doigts derrière le rideau, en des fulgurances sonores.
L'arrivée sur scène
de gens biens mis, cravatés je crois, avec leurs bagages pas trop
loin (il fallait reprendre la route), et un concert qui démarre très vite. Pas de Johnny Coles.
Un jazz double.
D'un côté on se sent à l'aise, chez soi, dans un univers neuf mais dans lequel il y a quelques repères, fut-ce depuis peu.
De l'autre, et en même temps, une musique qui n'a plus rien à voir, toute de virtuosité, de dissonances, de grands écarts, de grognements et de sonorités étranges, de fureurs. Un jazz qui n'avait pas encore émergé, qui ne nous permettait pas d'adhérer d'emblée en dépit de tous les disques écoutés : il fallait accepter tout cet univers en bloc, tout de suite, ou passer à côté.
Et toujours, une sensibilité exacerbée, une musique incroyablement belle, une renaissance de l'écoute.
Dès le premier set, la messe était dite. C'était historique dans le jazz et Dolphy montrait la voie.
Le passeur ... c'était Mingus !
Plus modestement pour moi, ce fut le choc de la musique libre en direct, avec les vibrations qui parcourent le corps, avec le théâtre des musiciens, leurs jeux, leurs connivences.
Ce fut aussi le début d'un jazz vécu comme une aventure perpétuelle, toujours à la merci de décès (Dolphy et Coltrane en peu de temps, puis Ayler ).
L'aventure est toujours là, à Paris, sur de petites scènes, des librairies, des vieilles fabriques, parfois dans des squats, où des fous de musique nous refont des oreilles toutes neuves.
Et le Z-Band ?
Les articles sont ici. Petit tour rafraichissant d'amour, d'humour, de plaisirs à partager.
L'ivre d'image : "Blues and
Roots"
Z et le jazz : "Change
One & Change Two"
Mysterioso : "Les
relations avec Dolphy" et "Mingus contre le courant"
Jacques P : "Mingus
plays Piano"
La Pie Blésoise : "Oh
Yeah!"
Damien (Native Dancer) : "Charles Mingus presents Charles Mingus"
Backstabber :
« Last
cha-cha in Tijuana »
Ptilou : l'autobiographie de Mingus "Moins
qu'un chien"
Maître Chronique : « Ah, Mingus »
De mon côté, bêtement dans mon coin, j'avais dédié deux posts à la mémoire de Mingus ici (Good Bye pork Pie Hat) et là.
Et comme bonus, deux autres articles :
Bladsurb : "Mingus et moi" .
Et dans la Fabrique à brac : "Hey Gus, tu connais Mingus ?"
Retrouvez toutes les chroniques "Brèves de concerts".