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Jazz à Paris
13 janvier 2009

L'évangile selon Saint Mingus (Z-Band)

Mingus___The_Great_Concert_ofRendez-vous raté avec les blogueurs du Z-Band (voir articles plus bas).

Tentative de rattrapage avec une chronique de concert d'il y a plus de 45 ans (il me reste quelques neurones encore actifs, rassurez-vous). Plutôt chronique d'une époque, écrite vite vite !

Quasi bambin s'offrant ses premiers émois de concerts, sous la houlette de Charlie Mingus, l'un à la salle Wagram, l'autre au Théâtre des Champs Elysées, en 1964

Pourquoi ce musicien pour un dépucelage musical ?
Simple simple.

Un jazz qui ronronnait malgré un hard bop tonitruant, avec Art Blakey, Cannonball, Horace Silver, Kenny Dorham ... Pourtant, ils nous baignaient dans des thèmes fantastiques, des pulsations de rêve, des couleurs bluesy à en rêver encore plusieurs décennies plus tard. Miles était entre deux périodes, tout auréolé de ses révolutions passées ... Et l'écoute encore et encore de Charlie Parker, de Dizzy et des autres.
Que vouloir de plus ?

Le monde se remettait à bouger.
Dans les revues de jazz, il n'y avait pas de mots assez critiques pour fustiger les démarches balbutiantes d'une "nouvelle chose", le free jazz. Avides, on cherchait les rares jugement conciliants. Peine perdue. On nous ventait même le retour aux sources, au New Orleans, comme seule voie salutaire.

Les conventions, les canons, étaient faits pour être bousculés. Il nous fallait des rebelles.
Ce furent Monk et ses hésitations calculées, un Mingus toujours en colère, amoureux transi de Duke, Dolphy l'extra-terrestre, Rollins et ses remises en question, Coltrane qui enfonçait tous les codes, le doux poseur de bombes, Ornette, qui faisait encore la plonge pour gagner sa vie, Ayler totalement inaudible, et j'en passe. Tous ne se reconnaissaient pas dans le free, mais sans eux, pas de jazz actuel.

Alors, tout juste adolescent, il fallait sortir, pour Dolphy et Mingus.

Autorisation du bout des lèvres du pater familias.
Sortie avec les copains du Jazzland. C'était un garage désaffecté du côté d'Avron, où on écoutait, fébriles, des disques Candid (Newport Rebels ...), Contemporary (Something Else ...); où quelques uns faisaient leurs premières armes sur leurs instruments; où de jeunes artistes venaient voir les gamins, et jouer avec eux, comme Aldo Romano; et il y avait des filles, et j'étais très timide ...
Sortir et voir !

Salle Wagram (17 avril 64): Charlie Mingus (b, lead, comp) - Eric Dolphy (as, bcl, fl) - Johnny Coles (tp) - Clifford Jordan (ts) - Jaki Byard (p) - Dannie Richmond (dm)
Souvenirs confus. Une salle de bal ou presque, des tables et des chaises pliantes. La fumée des cigarettes. Les bières. Un musicien qui quitte la scène (Johnny Coles, malade) et un orchestre qui se reconfigure rapidement.

Théâtre des Champs Elysées (18 avril 64). Un bonhomme fessu, jouant quelques notes de piano, puis saisissant à pleine main les cordes de sa contrebasse, les étirant d'une manière démesurée. Un saxophoniste qui s'échauffe les doigts derrière le rideau, en des fulgurances sonores. 
L'arrivée sur scène de gens biens mis, cravatés je crois, avec leurs bagages pas trop loin (il fallait reprendre la route), et un concert qui démarre très vite. Pas de Johnny Coles.

Un jazz double.
D'un côté on se sent à l'aise, chez soi, dans un univers neuf mais dans lequel il y a quelques repères, fut-ce depuis peu.
De l'autre, et en même temps, une musique qui n'a plus rien à voir, toute de virtuosité, de dissonances, de grands écarts, de grognements et de sonorités étranges, de fureurs. Un jazz qui n'avait pas encore émergé, qui ne nous permettait pas d'adhérer d'emblée en dépit de tous les disques écoutés : il fallait accepter tout cet univers en bloc, tout de suite, ou passer à côté.
Et toujours, une sensibilité exacerbée, une musique incroyablement belle, une renaissance de l'écoute.
Dès le premier set, la messe était dite. C'était historique dans le jazz et Dolphy montrait la voie.
Le passeur ... c'était Mingus !

Plus modestement pour moi, ce fut le choc de la musique libre en direct, avec les vibrations qui parcourent le corps, avec le théâtre des musiciens, leurs jeux, leurs connivences.

Ce fut aussi le début d'un jazz vécu comme une aventure perpétuelle, toujours à la merci de décès (Dolphy et Coltrane en peu de temps, puis Ayler ).

L'aventure est toujours là, à Paris, sur de petites scènes, des librairies, des vieilles fabriques, parfois dans des squats, où des fous de musique nous refont des oreilles toutes neuves.

Et le Z-Band ?
Les articles sont ici. Petit tour rafraichissant d'amour, d'humour, de plaisirs à partager.

L'ivre d'image : "Blues and Roots"
Z et le jazz : "Change One & Change Two"
Mysterioso : "Les relations avec Dolphy" et "Mingus contre le courant"
Jacques P : "Mingus plays Piano"
La Pie Blésoise : "Oh Yeah!"
Damien (Native Dancer) : "Charles Mingus presents Charles Mingus"

Backstabber : « Last cha-cha in Tijuana »

Ptilou : l'autobiographie de Mingus "Moins qu'un chien"
Maître Chronique : «  Ah, Mingus »

De mon côté, bêtement dans mon coin, j'avais dédié deux posts à la mémoire de Mingus ici (Good Bye pork Pie Hat) et .

Et comme bonus, deux autres articles :
Bladsurb : "Mingus et moi" .

Et dans la Fabrique à brac : "Hey Gus, tu connais Mingus ?"

Retrouvez toutes les chroniques "Brèves de concerts".


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Commentaires
D
Tu as raison Z. <br /> Dolphy fait exploser les limites mais n'oublie pas le bop, le blues.<br /> Il a accompagné et bousculé Mingus, Coltrane (et dans une moindre mesure, Ornette), et s'apprêtait à bousculer l'Europe ...<br /> C'est probablement avec Mingus que cette dualité est la plus patente.<br /> Ces kadors ne pouvaient qu'adhérer à cette démarche. En retour, Dolphy savait déplacer le curseur.<br /> Et c'est la voie retenue pour l'essentiel par le free jazz US.<br /> Voir ces papys enragés sur scène est un vrai bonheur. Ils nous réconcilient avec toute l'histoire du jazz.
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Z
Dolphy,<br /> <br /> Quel plaisir de se voir propulser dans l'histoire, dans la tienne aussi !<br /> Tu en as de la chance d'avoir pu voir ça en concert, cette formation dont on trouve pas mal de vidés sur la toile.<br /> Tu vois, c'est marrant, mais j'ai n'ai jamais casé Dolphy dans la case du free, et ce, après avoir écouté une bonne quantité de ses disques.<br /> Et c'est peut-être du au fait qu'Eric avait un grand respect de la tradition bien qu'il soit un extra-terrestre comme tu le souligne.<br /> Et alors que je parlais de "Changes One & Two", je repense alors à cette relation entre la tradition et l'avant garde avec des musiciens qui justement, ne m'était pas un coup de pied dans la tradition, mais qui s'en servait comme tremplin pour aller plus loin et c'est ce que j’aime le plus dans le free, et tu comprends alors pourquoi j'aime Mingus ;-)<br /> <br /> Donc Mingus et Dolphy réunis, on dit oui oui oui !<br /> <br /> Ravi que tu ai passé la 5ème vitesse pour nous rejoindre !<br /> <br /> Merci pour ce partage !
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D
Merci de tes encouragements Dorham ...<br /> Dorham ... Dolphy ... ça me dit quelque chose ... ça me reviendra<br /> Oh thanks M. Wiki !<br /> Andrew Hill, Kenny Dorham, Eric Dolphy, Joe Anderson, Richard Davis, Tony Williams : <br /> "Point of Departure"
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D
J'arrive avec retard, mais parfois, on se dit qu'on ne perd pas son temps. Du sentiment brut ton texte. J'ai souri tout du long, ce récit d'expérience est bigarrée, plein d'humanité...oh, qu'il est juste dans ce qu'il dit aussi de la nécessité d'entendre la musique en live, en vraie, en chair, déroulant comme un tapis infini sa douleur, sa brièveté et son goût de l'aventure.<br /> <br /> Très très chouette texte, Dolphyoo !
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D
A chacun son Mingus, son Dolphy, ses émotions en partage. <br /> Un vrai bonheur de lire vos textes, d'être surpris par vos regards, par l'écoute de certains morceaux, par tel ou tel aspect mis en évidence, par votre amour pour cette musique, par votre humour. <br /> Le plaisir rebondit de blog en blog.<br /> Une belle aventure ce Z-Band, un beau carrefour.<br /> Un moment fort de plaisir.<br /> Une suggestion : que ceux qui se sentent des fourmis au bout des doigts n'hésitent pas à publier (ou à me (nous) faire parvenir pour publication) LEUR Mingus.
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Jazz à Paris
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