Alan Silva vit en France depuis des décennies, et curieusement, il n’est pas souvent à l’affiche sur la scène parisienne. Il n’est malheureusement pas le seul grand du jazz à être ainsi boudé.
C’est peut-être pourquoi, à la fin d’un concert, moment propice pour refaire le monde, Frédéric Maintenant et moi-même rêvions d’une série d’interviews d’Alan Silva sur le jazz actuel et la musique improvisée. Sa collection musicale est impressionnante, en effet, tout autant que les grandes aventures auxquelles il a contribué.
Hélas, propos de doux rêveurs. Rien ne fut fait.
Mais c’était sans compter avec l’énergie incroyable d’Alan Silva, nullement informé de notre rêve.
Il met en ligne, en effet, inlassablement, des vidéos retraçant l’histoire du jazz, de Bill Evans à aujourd’hui. Du jazz, mais pas que (Terry Riley, par exemple). Et ces vidéos sont parfois aussi des créations graphiques. Et quand ce n’est pas le cas et qu’il n’y pas de captation vidéo, une image fixe en hommage à un grand artiste. Ici, Vincent Van Gogh.
« Les musiciens ont besoin d’espace, qui avouent avoir un faible pour la peinture» dira Guillaume Belhomme.
Alan Silva fait le travail à notre place, mais autrement.
Il suffit donc de suivre, une fois de plus, les pas du grand Alan, en se focalisant sur les musiques dont il est acteur. Je ne sais s’il existe une discographie commentée complète, mais il est certain qu’il a joué, très tôt, avec les plus grandes figures et que son « carnet de bal » est impressionnant. Il est donc impossible en quelques vidéos de retracer son itinéraire .
Et plutôt que de se livrer à un exercice solitaire, autant demander à des amis de plume de choisir chacun une facette de cet immense talent. Cinq jours, cinq déclarations reconnaissantes à Alan Silva.
Non ce n’est pas pour son anniversaire, mais c'est clairement un hommage. Et c’est aussi pour toi, ami lecteur, en guise de cadeau de Noël : pour te rappeler (ou te faire découvrir) les superbes musiques qu’il a imaginées.
Pour ma part, j’ai choisi un enregistrement du festival Vision à New York, du 23 mai 2000, avec Marshall Allen, l’un des piliers du Sun Ra Arkestra (auquel Alan Silva a aussi participé), et William Parker, figure majeure du jazz actuel.
J’ai longtemps été tenté par l’un de ses concerts au Z’avant Garde avec Rasul Siddik, Abdelhai Bennani, Noah Rosen et U Aldridge Hansberry, afin d’illustrer son ancrage parisien
De même était bien tentante cette collaboration avec Jacques Coursil lors d’un de ses concerts à la Dynamo
Il était intéressant, aussi, d’illustrer son compagnonnage avec la jeune génération nordique: Mette Rasmussen et Ståle Liavik Solberg
Mais ce sont les 45 minutes d’énergie folle, de jaillissement musical de New York qui m’ont décidé.
Marshall Allen lacère l’espace de salves, de stridences, ce qui n’est pas pour déplaire à Alan Silva. Un discours halluciné au bord de l’étranglement. Il occupe le devant de l’écoute au début du concert, en compagnie d’un William Parker obsédant, omniprésent. Alan Silva, au piano ou au synthétiseur, apporte ses ponctuations, ses trames. On l’imagine se retenant pour laisser de l’espace à son compagnon du Sun Ra Arkestra, mais assez vite, sa voix prend toute la place qui lui revient, soit par les couleurs qu’il sait installer, soit par les virevoltes, les vrilles, les geysers, les maelströms dont il a le secret. Il s’agit alors pleinement de jouer de cet « instrument orchestral », aux matières sonores complexes, souvent nerveuses.
Marshall Allen lacère l’espace de salves, de stridences, ce qui n’est pas pour déplaire à Alan Silva. Un discours halluciné au bord de l’étranglement. Il occupe le devant de l’écoute au début du concert, en compagnie d’un William Parker obsédant, omniprésent. Alan Silva, au piano ou au synthétiseur, apporte ses ponctuations, ses trames. On l’imagine se retenant pour laisser de l’espace à son compagnon du Sun Ra Arkestra, mais assez vite, sa voix prend toute la place qui lui revient, soit par les couleurs qu’il sait installer, soit par les virevoltes, les vrilles, les geysers, les maelströms dont il a le secret. Il s’agit alors pleinement de jouer de cet « instrument orchestral », aux matières sonores complexes, souvent nerveuses.
Et la fête se déploie pleinement, pas uniquement sur la crête des hautes énergies. Durant les accalmies, des grondements à l’archet ou des claquements de cordes lourds de William Parker, impérial, une forme d’élégie au piano, au synthétiseur (Alan Silva change sans arrêt de clavier) et un curieux joué-chanté de Marshall Allen ou des quasi plaintes, des sortes d’aboiements, de jappements.
Le temps passe très vite.
En seconde partie de concert, à côté des éruptions solaires de Marshall Allen, Alan Silva (au piano) lance quelques bribes vaguement bluesy, des virgules épurées d’un jazz révolu, pour rappeler ses origines, avec tendresse, un peu comme on offre des fleurs à une ancienne maîtresse, avec reconnaissance.
En fin de concert on les retrouve tous les trois dans une forme distanciée d’hommage à cette histoire, à ce concentré propre à Albert Ayler, les vrilles suraigües en lieu et place des vibratos. Une déclaration d’amour, pudique et quasi abstraite, à la belle aventure du jazz.
Demain, une autre plume et une autre facette de son talent..
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Notre série en hommage à Alan Silva
Alan Silva série #0 : photo Jazz Magazine
Alan Silva série #1 : avec Marshall Allen et William Parker
Alan Silva série # 2 : Celestrial Communication Orchestra par Guillaume Belhomme
Alan Silva Série # 3 : In the Tradition par Joël Pagier
Alan Silva série #4 : avec Abdelhaï Bennani (ts) et William Parker (b) par Jean-Michel Van Schouwburg
Alan Silva #5 : Petit récit post-moderne inspiré par New Africa de Grachan Moncur III; par Frédéric Maintenant
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Alan Silva série #0 : photo Jazz Magazine
Alan Silva série #1 : avec Marshall Allen et William Parker
Alan Silva série # 2 : Celestrial Communication Orchestra par Guillaume Belhomme
Alan Silva Série # 3 : In the Tradition par Joël Pagier
Alan Silva série #4 : avec Abdelhaï Bennani (ts) et William Parker (b) par Jean-Michel Van Schouwburg
Alan Silva #5 : Petit récit post-moderne inspiré par New Africa de Grachan Moncur III; par Frédéric Maintenant
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