Barre ne joue pas de contrebasse …
Il n’existe plus aucun instrument dans ses mains vides offertes aux vents …
Seul émane un souffle des troncs enfouis, des forêts hantées & disparues, dévastées, brûlées & pétrifiées …
c’est comme ce maître de Kyudo qui, quelques années après sa réalisation vit un jour sr une table un objet dont il ne pouvait se rappeler le nom : C’était un arc ! ! …
L’archet tendu il est comme Zingaro avec ses chevaux, il montre, l’instrument joue ! …
L’ombre du fouet suffit au cheval magnifique, le vent de l’archet cabre la basse …
Ensuite, c’est comme percevoir dans les nues un chant, les soirs d’orage …
On n’entends plus que les harmoniques et nos corps engendrent les notes qu’ils sécrètent tout en s’en nourrissant …
Cela devient, par le grâce des résonances, un orchestre de contrebasses, lui, elle & nous enliés aux mêmes chants, aux mêmes rythmes, aux mêmes scansions …
C’est une sorte de musique orientale, parfums rares, goûts d’arbousier et de bigarade en bouche, mais déjà l’impensable astronef a changé de galaxie, passage en vitesse lumière, on ne sent rien … Mais l’instrument s’est métamorphosé …
C’est devenu percussions … Barre fait sonner les peaux, ça claque, ça chuinte, ça rythme …
Puis insensiblement, en une sorte de galaxérissage, on ressent de nouveau la verve des cordes, voilà que ça grésille et vibre joyeusement, puis frénétiquement …
Ces cordes sont des histoires déhiscentes que la main du jardinier éveille et rend turgides, audibles au-delà du son …
Puis, de nouveau on entends le oud, puis le vent du désert, le chant éthéré des dunes …
Puis, sans aucun présage, un banjo détimbré, écrasé par la gravitation intense, ou bien terriblement distordu à l’horizon de quelque trou noir …
Puis le son revient, par bribes, par bouffées renversantes, par accès, par accords, par grilles sitôt jouées, sitôt oubliées …
C’est une musique de l’envie & une musique de l’oubli …
Impensable hapax …
Au commencement était le son … On s’approche, on s’enhardit puis, soudain, voilà que pauvres bêtes que nous sommes, ”épris au piège” ! ! …
On a beau piaffer grincer, rugir, taper des poings & des têtes, rien n’en sort …
Nous sommes devenus les lignes du bois, les crins de l’archet qui, de nos hennissements muets fait sa chair et ses sons …
C’est une trompe de brume zébrant les murs des fjords, scalpant les boréales aurores, qui de tomber, jamais n’en finissent …
C’est un immense et intense appel à la vie, à toute vie qui possiblement, en nous sommeille et que l’art chei *! ! …
Le mystère en fait tient à ce que dès qu’un doigt effleure une corde, toutes se mettent à vibrer, l’uni-son c’est sans doute cela ! …
Même le bois de l’archet chante, le pernambouc de son incandescent écarlate rameute tout son Brésil, ses forêts dévastées, ses folles teintures …
L’ambitus est tout à fait extraordinaire, parfois grincement de hunes soumises aux vents dont grognent les haubans, puis soudain, orgue de cristal dont Baschet n’eut point dénié la fraternité
Villanelle & fandango … ”La méthode est simple & belle” …
Ainsi qu’un Brassens emboisé une sorte d’être persiste à chanter, que l’archet tremble ou non, que les doigts courent ou non.
Quelque chose d’immense et qui tient du sacre est …
C.P
* verbe ”choir”, advenir, tomber
Barre Phillips aux Instant Chavirés le 5/02/2020
...
Retrouvez toutes les brèves de concert .
...