741EBD73-B7B9-4527-9532-FE11BC038B66

Les films ou les séries sur le jazz sont assez rares pour qu’on les repère. Dans le passé récent, le film «Whiplash» avait retenu l’attention. Il contait l’enseignement féroce de la batterie par un prof à la flexibilité d’un rail de chemin de fer. L’excellence ne pouvait être que technique et cette dernière nécessitait tous les sacrifices. Une pédagogie d’un autre siècle. Son metteur en scène, Damien Chazelle, récidive aujourd’hui avec une série diffusée sur Netflix : The Eddy, nom d’un club de jazz et celui d’un thème.

Ici, finie la trique et bonjour aux fantasmes divers accompagnant le jazz. La drogue ? Il y en a. Le sexe? Bien sûr aussi. De l’alcool ? Inévitable. Des blaireaux, des menteurs, des pleutres ? Des femmes plus diplomates, plus sensées que les hommes, fussent-ils les héros. Un criminel propre sur lui, finalement assez rationnel et amateur de jazz ? Trois fois oui. Une galerie de personnages sans réelles surprises. En bref, le jazz est ici associé au monde trouble des malfras. Mettez-y pour faire bon poids une jeune et belle adolescente torturée, qui préfère la coke à la canneberge, qui pointe les insuffisances des autres, qui balance des propos injurieux et qui réussi à créer des problèmes à ceux qu’elle aime, avec une bonne foi désarmante. 

Voilà pour l’histoire. 

Pour les valeurs, c’est la tolérance, la mixité raciale, religieuse, sexuelle. Une grand-mère musulmane qui a tout d’une mère juive.  Des américains, des serbes, des polonais, des maghrébins, des latinos, des africains qui débordent d’affection réciproque, qui s’engueulent et s’expriment indifféremment en anglais et en français. 

Et la musique ? Un cliché, un raté ... mais le plaisir n’est pas absent. 

Le cliché, c’est qu’il n’est de Jazz que chanté, plus précisément qu’avec chanteuse. C’est réducteur. Heureusement les paroles véhiculent souvent de belles images, des sentiments troubles, riches. 

Quant à l’esthétique, il ne saurait être question d’improvisation non idiomatique. C’est un spectacle grand public, et donc (?) c’est du post bop mâtinée de romantisme, du sans danger. Pas de dérapages savoureux ? d’écorchures des sons ? de grognements et autres « bruits »? Oui, il y en a aussi. Mais c’est là qu’il y a un raté : la prise de son. N’importe quel Jazz un peu authentique joué à quelques mètres fait vibrer la peau, les sens. La magie des cuivres, des percussions, du métal, des cordes suffit. Mais ce qui cloche ici c’est que le son est confus, comme brouillé, que le piqué est absent. Alors on passe. 

À moins qu’on soit en mesure d’imaginer ces sons volés et de recréer la fête dans sa tête. Et là, c’est plutôt un bon moment à passer, d’autant qu’il y a des invités surprenants (Tchéki Karyo, Benjamin Biolay) et même un candidat batteur qui se fait recaler, Edward Perraud en personne ! Denzel Washington ? Oui, son sourire éclatant est là, mais sur le visage du héros, Elliot Udo. Son charisme aussi ? Le budget de la série ne le permet pas.

So what ! dirait Miles. 

Ben faut pas hésiter à voir, d’autant que certaines invraisemblances sont savoureuses. Après ça, passez vous un Monk.