Trio Kosmos (Hubert Dupont, Antoine Berjeaut, Steve Argüelles)
On s’attendrait à trouver un trio acoustique trompette-basse électrique-batterie, mais deux des musiciens se dotent d’effets spéciaux, et le troisième, le batteur, fait appel à l’électronique.
Ils placent par moments leur musique dans un espace de résonances, d’échos, de salves de particules, de déploiements, pour une pure jouissance, plutôt à l’écart du jazz, sans verser dans l’improvisation libre, comme dans « Héliogravure ». Ce sont alors des constellations de frappes, des strates qui oublient toute scansion au profit de gourmandises sonores.
On retrouve parfois les balises d’une rythmique éclatante, crépitante, avec le malicieux "Not Jazz" par exemple, percuté par une basse obsédante et puissante, et propulsé par une trompette solaire, volubile, heureuse, avant une césure où un certain jazz rock vient s’immiscer à coups d’effets spéciaux.
L’humour n’est jamais bien loin. « Free and Blue » illustre cette ré-appropriation de moments forts du jazz mais avec des emphases, des fulgurances électroniques, des échos. « Va, je ne te hais point » dirait Chimène, pour ne pas avouer sa passion brûlante. Avec «Immersion», les balais et les cordes impriment une pulsation incessante, alors que la trompette se bouche pour nous régaler d’une course folle.
Douze titres nous sont ainsi proposés, pour des paysages contrastés, pour le pur plaisir de jouer avec nos repères, pour brouiller (un peu) les pistes, pour le déploiement des sons. In fine, ce Komos trio vise bien à une certaine évasion, et contribue ainsi à l’élargissement continu du domaine du jazz.
On peut imaginer que ce projet est à l’initiative d’Hubert Dupont, bien que sa générosité coutumière le conduise à en partager la paternité. De plus il y retrouve une basse électrique qui accentue le caractère mélodique de son jeu, qui ouvre des espaces à ses contrechants, et qui renforce la brillance et le caractère percutant de ses interventions.
Malgré les nombreux moments de peinture spatiale de ses frappes, Steve Argüelles reste un jouisseur de la rythmique. C’est là qu’il s’épanouit hors de tout effet superlatif. Un séducteur de la percussion.
Une mention spéciale pour l’instrument soliste : Antoine Berjeaut semble, en effet, habité par les facéties et les dérapages d’un Lester Bowie, par l’ivresse des timbres. Une vitalité insolente. Une exubérance contagieuse.
L’album est disponible en versions physique et digitale (chercher Ultrabolic sur Bandcamp)
Enfin, notre trio nous propose « Not Jazz » en pseudo vidéo. Goûtons y !
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