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Jazz à Paris
15 février 2012

Curare en boîte cristal

curareCurare : un titre qui charrie bien des images, des connotations plus ou moins létales, sombres, insidieuses.
Un trio sax baryton (Daunik Lazro), guitare (Jean-François Pauvros), batterie (Roger Turner) : une lutherie classique (si on omet les quelques pédales de la guitare).

Une musique à l'abord quasi bruitiste, nous menant d'éclosions erratiques de bulles à des éraillements métalliques.
Une musique jouant sur les intensités, mais n'oubliant que rarement la retenue lors de la première pièce au titre étrange : Morsure. Manière de nous saisir, de blesser nos habitudes, mais juste un peu, comme pour témoigner de la puissance latente.

Même retenue sur le 2e titre : White Dirt. Murmures égratignés et déploiement progressif de puissance, de chocs, de grincements, de complexité sonore, d'éboulements, de chaos. Mais rien de linéaire. Après une accalmie relative, nouvelles efflorescences sonores, d'abord friselis devenant grondements, stridences, projections de limailles, de scories, une lave puissante qui pourtant se maîtrise, s'adoucit, se fait étranglements, chuchotements.

Changement de lieu, près de vingt mois plus tard. Une pièce longue (près de 19 mn) : En nage. Une première partie sous l'influence des cordes et de leurs vibrations plus ou moins amples, puis un discours puissant aux stratifications sonores multiples au baryton, retour sombre de la guitare, re-baryton ou plus probablement de la partie haute de l'instrument (le bocal ?), sous des roulements, des crépitements  de plus en plus convulsifs des peaux, des éclats de cymbales. Grande accalmie à mi-parcours, avec des notes soutenues au baryton, aux textures complexes, une guitare frottée en arrière plan, quasi nostalgique. Savant dosage de discours ténus et de chocs abrupts. Une progression de l'intensité, de la rugosité des matières, des roulements rocailleux devenant quasi paroxistiques ... pour revenir encore à la retenue, à la sérénité.

Mention spéciale pour la dernière pièce, la plus lyrique : The eye. Des cornes de brume, des décrescendos de météores : la fascination de l'ailleurs. Puis une sonorité inhabituelle au sax baryton. En fait un chant pourtant bien connu, lointain déjà, celui  d'un Coltrane mystique, une forme d'incantation entrelardée de clusters à la guitare, de roulements furieux sur les peaux. Retour aux murmures. Des craquements percussifs à la guitare, l'ébauche d'une mélodie d'autres temps, d'autres lieux et le silence.

Deux extraits en ligne, de White Dirt et d'En nage.
Une autre chronique sur le site du Grisli .

Je reste toujours naïvement stupéfait qu'un tel traitement de la matière sonore procure un plaisir musical aussi intense. De purs créateurs. Un trio d'exception !

Au sommet de leur art ? C'est bien l'impression à l'écoute du disque ... démentie par leur concert au Triton début 2012 : une musique encore plus épanouie, plus complexe, comme soumise à une poussée tectonique inéluctable. On y reviendra sûrement.

Un disque remarquable de Nobusiness Records (ça ne s'invente pas), un label de Lituanie (NBCD 38 ou NBLP43, CD ou LP). Déjà un must 2012.

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