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Jazz à Paris
3 octobre 2019

Masayuki Takayanagi’s New Direction Unit « April is the cruellest month » (blankform edition)

Masayuki Takayanagi

Le New Direction Unit, animé par Masayuki Takayanagi (g) est un quartet composé de Kengi Mori (as, fl,bcl), Nobuyoshi Ino (b, vlc) et Hiroshi Yamazaki (perc). Cet enregistrement date d’avril-mai 1975. C’était donc il y a près de 45 ans. Pourquoi donc exhumer ça aujourd’hui ?
Parce que cette musique est fascinante de beauté sauvage, mais aussi parce qu’il s’y passe quelque chose d’important : une bifurcation musicale, comme le début d’une dérive des continents.
Avant d’aller plus avant, une précaution à prendre. Cet album fait partie de ceux qu’il faut ecouter à fort volume, sans quoi tout se perd dans un brouet informe et sans saveur. C’était aussi, je crois, la recommandation de Xenakis. Ici, c’est essentiel.
Dans la première pièce, « We have existed », on est saisit par ces roulements, ces crépitements inlassables sur les différentes surfaces, les pièces de métal, les peaux avec pour toute rythmique une respiration des phrases lente et inexorable. Une batterie omniprésente, obsédante, accompagnée de violents coups d’archets, brefs et répétés, des grincements rugueux, des grondements sauvages. Et les cordes de la guitare électrique écrasées, avec application, en insistant : il faut que ça fasse mal. En arrière plan, une flûte, seule voix mélodique, virevoltante, dans ces décharges orageuses, ces stridences métalliques, ces cris sauvages et inconnus, ces feulements. Puis comme dans un retournement, les félins de la batterie et de la guitare amorcent un recul, les frottements au violoncelle (la basse ?) se font moins rugueux, la flûte devient de facto plus présente, puis l’extinction vient.
Cette musique est Free par quelques aspects, mais elle relève aussi des musiques improvisées. C’est une esthétique musicale spécifique à l’Archipel. La 2ème pièce renforce d’ailleurs cette spécificité avec, cette fois, Kengi Mori à la clarinette basse. Eric Dolphy n’est pas totalement absent mais c’est une toute autre musique qui se joue là, comme on peut s’en rendre compte via ce lien : What Have We Given?
Cet album mérite déjà toute notre considération, mais la 3ème pièce, « My Friend, blood shaking my heart », est une grande claque, bien plus, c’est un bouleversement esthétique. Dans ce cataclysme sonore, plus aucun des codes du Jazz, fût-il le plus Free, n’est respecté. Il faut jouer fort, donner tout ce qu’on a, ne pas se répéter. Miles disait qu’il n’y avait pas de fausse note. Ici, il n’y a pas de bon goût, ni de décence, ni de bribe mélodique quel qu’elle soit, ni de scansion. Il ne s’agit pas d’une révolte sociale, ou politique, ou de l’émancipation par rapport aux grands frères américains ou européens, ou encore par rapport à la musique contemporaine. Nous sommes ailleurs, aux portes de la Noise, qui n’existait pas encore. Takayanagi ne fut pas seulement le professeur de Otomo Yoshihide, il est probablement à l’origine des choix des Merzbow, Keiji Haino, Hijokaïdan et de bien d’autres icônes ultra radicales venues du Japon. Cette « nouvelle direction » a fait depuis bien des émules. Cet art brut nous oblige à prêter une attention soutenue aux sons, fussent-ils sales et violents. Cette pièce de près de vingt minutes est captivante de bout en bout. Elle est faite de déferlantes multiples, de stridences continues, de grondements, de cris inarticulés. Elle repousse les limites de ce qu’il est admis d’appeler musique. Et si l’on opte pour une écoute empathique, c’est un vrai bain de jouvence musical qui s’offre à nous. Nos oreilles sont neuves, prêtes pour l’écoute de nouveaux continents musicaux. Confirmation ici :


Un bain de jouvence vivifiant. Attention au retour des "musiques d'ameublement".

C’est un témoignage fascinant d’une bifurcation musicale dont les effets continuent de se faire sentir.
Un album phare.
Masayuki Takayanagi (guitare)
Kengi Mori (sax alto, flûte, clarinette basse)
Nobuyoshi Ino (contrebasse, violoncelle)
Hiroshi Yamazaki (percussions)
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