Aldridge Hansberry aux 7 Lézards - 12 dec. 07
Jean Louis Comolli
disait* de la musique de Dolphy qu’elle était duale : habitée par les
racines et les régularités du jazz d’alors (le be bop) et totalement irriguée
par la liberté la plus farouche, celle du free jazz : goût du lait maternel et
besoins d’adulte en même temps.
J’y vois (peut-être à tort) une distinction d’avec cette image du
« passeur » du même Comolli, celle d’un musicien qui passe
successivement d’une rive à l’autre, sans vraiment choisir. Non, il était des
deux côtés à la fois, simultanément, radicalement free.
S’exprimant dans un français impeccable (elle vit en France depuis 25 ans),
elle a distillé une musique de plaisirs. Son talent ne réside peut-être pas
dans sa technique mais plutôt dans l’ambiance qu’elle crée, tant à la batterie
(rythmes irréguliers, ponctuations décalées, jeu de timbres) qu’à la
flûte : c’est sur cet instrument qu’elle m’a d’ailleurs le plus séduit.
Et ce plaisir, tant
Jobic le Masson que Rasul Siddik l’ont peaufiné, l’ont ciselé durant plus de
deux heures. Ils y prenaient un plaisir évident.
Rasul Siddik avait cet air malicieux, tout de finesse, lorsqu’il prenait ses
solos (et il y en eu beaucoup) : de purs moments de plénitude musicale. Un
grand bonhomme !
Et que dire de Jobic le Masson ? Il s’est plongé dans cette esthétique,
oubliant ses accents européens, pour jouer un beau jazz, puissant, plaisant et
inventif : les racines et les ailes.
John Bescht, plus prudent, s’était réfugié sur les premières marches de
l’escalier. Aldridge ne l’a pas entendu de cette oreille : elle l’a
fermement invité à venir sur scène pour terminer en beauté cette soirée.
Aldridge Hansberry - John Bescht
En nous quittant, Aldridge Hansberry a dit son plaisir et son émotion d’avoir
joué ici, dans cette salle promise à la disparition.
Emotion partagée.
Une bien belle musique que celle de ces Lézards là.
Pour en savoir
davantage, aller sur le site d’Aldridge Hansberry
* : article
« Dolphy » du dictionnaire de jazz de Philippe Carles et Jean-Louis
Comolli (épuisé ?)
** : enregistrement
de 1961, avec Booker Little (tp), Mal Waldron (p), Richard Davis (b) et Ed
Blackwell (dr).
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