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Jazz à Paris
22 février 2021

Neigen (Ayler Records)

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Nicolas Souchal et Jean-Luc Cappozzo (tp), Daunik Lazro (ts, bs), Michael Nick (vln)

Une pochette qui évoque une voie de chemin de fer désaffectée; une voie unique pour rappeler que les passages y sont peu fréquents; une voie qui semble ne mener nulle part. Un titre, Neigen, qui signifierait « tendre vers », selon la même pochette.

Comme si « éviter de refaire le déjà dit » était hasardeux, improbable.

On ne pourrait jurer que chacun d’eux ait réussi, voire voulu, produire ce qui ne le fut jamais auparavant. Eux seuls pourraient le dire.

Mais ce qui est patent, c’est que les assemblages, les tresses de timbres, les phrasés convergents, entrelacés, les juxtapositions de couleurs, voire de réminiscences, cette alchimie délicate, fragile, ne cessent de nous saisir, de nous surprendre. 

La première piste, « Neigen », est ainsi une sorte d’aube incertaine, qui peine à sortir des limbes. Et déjà le rêve est là; cette sensibilité attentionnée les uns aux autres nous étreint. Puis dans un souffle, Daunik Lazro nous susurre un bout de thème Coltranien, y revient, nous bouleverse de cet instant ténu mêlé des brumes d’un soprano d’antan, dans un quasi drone où chacun se fond, dans un « non encore dit ». On retrouve ce meta-instrument fait de la convergence des timbres des quatre amis sur « Narcisse Watered ». Une émergence lente aux strates multiples, aux couleurs indécises, à la sensibilité épurée, distillée.

Des notes timides au sax, des quasi-percussions, des crépitements au violon, puis les deux instruments se fondent, s’éloignent, se retrouvent dans un mouvement où nous frôlons la perte nos repères : « Connexe » (piste proposée à l’écoute plus bas).

Je ne sais si la quasi fusion Nicolas Souchal - Michael Nick nous a déjà faire croire à ce point en la présence d’une console électronique (« Apnée-d’Aphnée »). Mais n’étaient-ils que deux ? Peut-être au début. Puis le sax émerge, se substitue à la trompette, entre en fusion-distorsion avec le violon. Il est rejoint par les irisations, les scintillances de Jean-Luc Cappozzo, complétées ensuite par celles de Nicolas Souchal.

Cet album est, en effet, une invitation à étirer, à étendre nos filins sensitifs afin de déceler les paillettes, les veines capillaires, les strates enchevêtrées, pour en déguster l'essence. Nos quatre orfèvres ont une attention affûtée aux moindres esquisses des autres. Le pari, éviter le déjà dit, est alors gagné par ces convergences d'affects, de phrasés et de timbres mouvants. Un pur bonheur procuré par des magiciens du son.
Lors de l’écoute, please, ne rien faire d’autre.

 

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