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Jazz à Paris
29 octobre 2013

Samuel Blaser Consort in Motion "A mirror to Machaut"

Samuel Blaser - Mirror to Machaud

Allaboutjazz évoque une lignée toujours vivace du Third Stream à propos de ce disque. Voire ...
On a tous en mémoire l'explosion rageuse du free, au tournant des années 60, par ceux qui étaient lassés d'un hard bop fût-il scintillant, et qui rejetaient les codes d'alors, les critères d'une critique "blanche", etc.
Ce qu'on a peut-être moins en mémoire, c'est la tentative, au même moment, de créer un 3e courant, rejetant une musique européenne qui ronronnait ses classiques (la musique contemporaine sentait alors violemment le soufre), en en ressourçant l'esthétique dans le jazz (Gunter Schuller).
En 1961, un superbe album en forme de convergence possible entre free & third stream, Jazz Abstraction (Atlantic).
Puis ...
Les perspectives ont changé. La musique contemporaine est jouée avec le répertoire classique. Le jazz, le free, la musique improvisée n'hésitent plus à emprunter le répertoire des musiques dites savantes, d'hier et d'aujourd'hui, sans complexe, ainsi que le rock et d'autres esthétiques encore. Une forme de fertilisation permanente.
Et Guillaume de Machaut (XIVeme siècle) connaît une singulière actualité, avec ce disque, mais aussi antérieurement avec Noel Akchoté, et très bientôt, Coax !
Revenons à cet enregistrement de Samuel Blaser.
Une superbe qualité sonore, un bain de timbres saisissant, des compositions qui fouaillent le coeur et la mémoire, des arrangements au cordeau, un quintette scintillant, une inventivité continue !
Guillaume de Machaut ? 4 thèmes.
Les deux "dames" ("Douce dame jolie" & "Dame, se vous m'estes lointeinne") sont présentées qui à la contrebasse, par un chant profond de Kenny Drew, qui à la batterie de Gerry Hemingway, non par provocation mais pour installer une couleur duale, jazz et musique médiévale, ainsi que pour marquer l'exigence du propos.
"Douce dame jolie" est ensuite joué avec des accents quasi klezmer à la clarinette, immédiatement suivie de "Saltarello" (Samuel Blaser) qui s'épanouit dans le trio Lossing, Gress, Hemingway, avec des notes cristallines, pour finir sur un duo trombone (nasillard) et clarinette (crépusculaire). Une fête des timbres, des couleurs.
Après la batterie, "Dame, se vous m'estes lointeinne" se développe à la manière d'une fanfare free pour revenir à un solo de batterie !
De pures re-créations.
"De fortune me doy pleindre et loer" nous propose un furieux télescopage de couleurs médiévales (aux instruments à vent) et de rythmes quasi karnatiques, certes pas très éloignés non plus des tambourins d'alors. Saisissant !
"Complainte: Tels rit au main qui au soir pleure", s'ouvre sur la batterie, bientôt rejointe par la contrebasse, pour un thème à peine esquissé par le trombone et la clarinette, puis doucement déstructuré, pour être enfin pleinement exposé avec des couleurs de la Nouvelle Orléans et ses décalages savoureux. Une superbe séquence de la section rythmique, très délicate, subtilement colorée (avec un zeste de Scott La Faro, me semble-t-il)
Les autres thèmes sont de Samuel Blaser.
"Hymn" ouvre l'album. Un coup au plexus par la richesse des timbres, la sensibilité des chants à la clarinette basse et au trombone.  
"Color", thème crépusculaire, plutôt une séquence de trois, puis quatre, puis cinq, puis sept notes qui vrillent durablement la mémoire. Un balancement à la fois repérable et toujours en déséquilibre. Oui, le jazz a encore tellement de choses à dire !
"Cantus planus" est dédié au piano de Russ Lossing, au début avec deux notes répétées, parfois oubliées, l'autre main étant aussi avares de notes, un jeu distillé suer les intensités, sur des nuances d'émotions, de couleurs.
"Bohemia", peut-être le plus beau thème, présenté à l'archet, puis en duo à vent. Un solo de clarinette tout de lyrisme, avec une section rythmique au jeu délicat au possible; puis un chant au trombone, plus affirmé.
"Linea" est une illustration du sens aigu de la composition de Samuel Blaser, qui règle au millimètre les contributions de chacun, les métriques, les brisures.
Enfin, "Introït"au rythme lent, des scintillements de timbres, un écrin pour le solo de trombone, chaque instrument de la section rythmique ayant ses virgules pour ponctuer le discours.

Une très belle trajectoire ascendante de Samuel Blaser et des musiciens en très grande forme:
Joachim Badenhorst (bcl, cl, ts); Dew Gress (b); Russ Lossing (p, Fender Rhodesq, Wurlitzer); Gerry Hemingway (dr)
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Enregistré par Jean-Paul Gonnod au Studio de Meudon, France.
Mixé par Etienne Bultingaire et Benoit Delbecq. Masterisé par Djengo Hartlap.
Produit par Benoit Delbecq pour Songlines.
Producteur exécutif: Tony Reif
SGL 1604-2
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A voir aussi, vidéos relayées par FluxJazz .
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