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Jazz à Paris
20 janvier 2021

Horace Tapscott & Michael Session Live in Avignon 1989 (label The Village)

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Il s’agit d’un enregistrement live, un concert de 1989 à Avignon. Une formation en duo pas si fréquente : un piano (Horace Tapscott) et un saxophone alto (Michael Session). 

Horace Tapscott est un peu mieux connu en France depuis la sortie de deux de ses albums sur le label Dark Tree, label très sélectif. D’ailleurs, le nom de ce dernier est un hommage au pianiste puisqu’il s’agit du titre de l’un de ses albums. Il y a donc une fidélité certaine. 

C’est un pianiste largement sous-estimé. Peut-être parce qu’il n’a pas provoqué de rupture dans l’histoire du jazz. De plus, il n’a pas  composé, à ma connaissance, de « tube » devenu un incontournable standard du jazz et qu’on pourrait chanter sous sa douche. Et pourtant, sa musique brille de mille feux. On y retrouve ce qui a fait l’éclat d’un hard bop au zénith : une luminosité mélodique de l’improvisation, une pulsation irrésistible et le plaisir des textures sonores. Mais il avait aussi un pied hors dudit hard bop. Tout comme Dolphy, il avait en effet ses racines dans la tradition bop et ses neurones dans le Free. De plus, tout son corps était imbibé de la tradition noire américaine, du gospel. 

Dark Tree (le label) nous l’avait fait connaître, certes comme pianiste, mais aussi en tant que compositeur et chef d’orchestre, le Panafrikan Peoples Arkestra. Ici, c’est donc une forme très resserrée.

Michael Session est un fidèle compagnon de route. Il a participé à l’aventure de l’Arkestra au point d’en prendre la tête lors du départ du pianiste.

Ils nous livrent ici une forme de quintessence de cette esthétique duale. Ils ne sont que deux et ils en profitent. Lignes mélodiques puissantes, savoureuses, épicées, parfois dissonantes, un brin « churchy », toutes traversées par leur culture originale, lyrique de bout en bout. 

Dans «  Goat & Ram Jam », l’influence de Coltrane se fait sentir en dépit d’un thème plutôt enlevé. C’est une forme de jonction entre insouciance et tourbillons tourmentés au sax, entre sons suraigües et rauques. En 98, aux USA, comment échapper aux ondes gravitationnelles d’un Trane ? Curieusement, la main gauche du pianiste retrouve les couleurs, cet entre-deux de McCoy Tyner, même sa rythmique, mais abandonne ces paysages dans la seconde moitié de la pièce, en solo, plus volubile, toute bleue.

« Retributions, Reparations » est un thème bâti sur deux séquences symétriques de dix notes. C’est le retour du lyrisme exacerbé au sax, une quasi transe, en dépit des cassures multiples d’ambiance, de rythme, de couleurs au clavier. Puis le piano seul. On y retrouve cette ponctuation sur deux notes ou sur deux accords à gauche proche de celle d’une walking bass, laissant la main droite égrainer quelques notes qui nous dandinent, à l’image de pianos bar d’antan. Les savants parleraient peut-être de stride. Une sorte de téléportation affective vers un univers révolu et magnifié. Puis des accords sombres pour annoncer le retour du thème.

Naturellement, il ne s’installe pas dans ces voluptés d’antan. Dans le thème dédié à sa fille Nyjah, on le voit élaborer des sculptures abruptes, égrener des notes détachées semblables à des clochettes ou à des brins de guirlandes, plaquer des accords dissonants, évoquer une comptine avec une touche, une sonorité si particulières. Et sans qu’on y prête garde, la main gauche retrouve son balancement sur deux accords. Il n’a effectivement nullement besoin d’une section rythmique.

Enfin, il nous propose un thème fétiche, « Little Africa », déjà présent sur « Why don’t you listen ? » où la complémentarité des deux musiciens, leur parfaite entente se trouve pleinement illustrée. 

Tout cet album respire le bonheur d’un certain jazz, un entre deux rives qui semble aujourd’hui un peu lointain mais qui réveille en nous des plaisirs quasi inavouables, la saveur des résonances des cordes et du bois, des chants entremêlés, des lignes et accords hypnotiques. De merveilleux artisans du jazz.

C'est disponible en vinyle sur Bandcamp 

On trouvera plus bas quelques liens vers des chroniques consacrées à cet étonnant pianiste. 

Avant cela, voici un "Lately's Solo" qui n'est pas un solo et qui vous rappellera des choses.


Les quelques liens promis :

Why Don't You Listen ?

Ancestral Echoes

Horace Tapscott 4tet "Dark Tree"

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Retrouvez toutes les chroniques —-

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