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Jazz à Paris
18 janvier 2021

« Don’t Worry, Be Happy » : Duthoit, Waziniak, Bréchet, Hautzinger

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Ce titre d’album claque doublement comme un pied de nez, d’abord face à la grave crise que subissent les arts de la scène, mais aussi comme l’antithèse d’un tube, d’une mélodie bien léchée qui a (peut-être) fait la fortune de Bobby McFerrin.

Ici, en effet, pas l’ombre d’une douceur mélodique, d’une répétition rythmique, d’une possibilité quelconque d’en chantonner une partie, y compris sous sa douche.  

C’est de la pure improvisation libre où la lutherie classique est sollicitée hors de son vocabulaire de référence, en particulier pour les deux artisans du souffle que sont Isabelle Duthoit et Franz Hautzinger. 

Les deux autres seraient davantage dans les clous ? Ce serait quelques rares fois vrai pour Thierry Waziniak à la batterie, cette dernière étant copieusement frappée, a priori sans dispositif de transformation. C’est alors une mitraille, plutôt feutrée, irrégulière au possible comme dans « Vibrations Plastiques », qui précipite le quartet dans une forêt inextricable de percussions qui vous fouettent le visage, le corps. C’est souvent aussi un art consommé de frappes erratiques, de ponctuations de l’espace, où la parcimonie des chocs accroît leur impact sur nos neurones. Thierry Waziniak nous mène alors dans des éboulements qui semblent hésiter, dans des chaos savamment entretenus. 

Quant à la guitare de Pascal Bréchet, elle semble préférer les éclats, les craquements, les pépiements électroniques, les résonances parfois un peu acides, les crépitements. Parfois, elle alimente le brasier, éjecte des escarbilles enflammées. Presque partout, elle contribue à cette confusion de l’ouïe en étendant le vocabulaire, les textures de l’instrument.

Isabelle Duthoit et Franz Hautzinger nous rappellent ici qu’ils sont des artificiers du souffle. Ils sont proprement époustouflants ! Ils multiplient les pièges d’écoute, les chausse-trappes. Pas d’atmosphère raréfiée, de recueillement compassé; ils nous proposent des gourmandises. C’est une dégustation de couleurs, de textures et de surprises. 

Dans ces registres, la voix d’Isabelle Duthoit tutoie souvent l’électronique. Elle nous interpelle par des scansions, des pulsations impossibles, qui font douter. Elle sait aussi suggérer le phrasé d’un théâtre expressionniste. Elle deviendrait vaguement sage lorsqu’elle retrouve sa clarinette, avec des traits espiègles.

Franz Hautzinger, en démiurge, mixe brouillards, orages et éclats solaires, murmures et jubilation. Et comme un garnement malicieux, il dynamite un groupe déjà passablement survolté et lui communique une soif festive, l’ivresse de la fouille des recoins sonores. 

Be Happy ! Ce titre est parfaitement trouvé. Oui, les temps présents sont bien sombres, mais ce quartet nous offre une sorte de jaillissement irrépressible du plaisir des sons, une résurgence du bonheur d’être là, en vie, en pleine sève. 

Cet album, publié par le label Intrication, est disponible sous forme physique, ce qui vous donnera l’occasion d’aller voir votre disquaire, essentiel évidemment. D’autant qu’en lieu et place de note de pochette, vous vous régalerez d’un texte onirique au possible, « Quand l’eau céans s’emmêle ! ... » . C’est du Claude Parle.

Deux vidéos. La première est l'un des titres, "Réminiscence d'un devenir", sur une peinture de Dominique Dumont.

 

Et en guise de raouette, ce « making of » de moins de deux minutes. Naturellement, une partie de la perplexité d'écoute disparaît lorsqu'on voit les musiciens à l'œuvre.

 

 

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