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Jazz à Paris
29 mars 2021

Noël Akchoté, Jean-Marc Foussat, Roger Turner « Acid Rain » (Ayler Records)

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C’est un album publié en 2012, et qui est rappelé à notre souvenir via un mail invitant à le redécouvrir en version numérique, sur BandCamp. Belle initiative !

Il réunit trois musiciens aux paysages bien différents, Noël Akchoté (g), Jean-Marc Foussat (synth) et Roger Turner (dm) autour d’une problématique écologique, les pluies acides, l’un des phénomènes à présent naturels de l’anthropocène. Mobilisation ? Titre trouvé après coup ? On ne sait. 

En exergue, un poème de Victor Hugo comme un marqueur d’une époque où la nature avait ses chances.

Pour que nul vent aride, 

Nul flot mêlé de fiel 

N'empoisonne et ne ride 

Ces gouttes d'eau limpides 

Où se mire le ciel. 

 

La version numérique est présentée en deux pistes, alors que sur le CD elle n’est qu’en un seul tenant de 45 minutes.

 

Lorsqu’elle émerge, la musique paraît quasi effacée, bien timide, une forme de matin calme avant de progressivement s’épanouir. Des bourdonnements assez doux, de légers brouillages, des cordes qui s’éveillent, des roulements encore contenus, un bric à brac de petits chocs métalliques. Puis arrivent des boucles électroniques entêtantes, des nappes, un chien au loin, bien sûr, fidèle compagnon de ce synthétiseur. Se développe alors une forme de voyage au long cour tout d’accidents, de crépitements, de grincements, de brisures, de nappes volcaniques, de multiples déflagrations, avec aussi des respirations, des accalmies, des plages abritées. 

Cette musique surprend par l’alliage des trois matériaux, des trois logiques instrumentales. Certes électronique et cordes (principalement l’archet) font bon ménage en musique improvisée; idem pour les peaux, les cymbales, les tubes lorsqu’ils sont frottés, caressés. Mais ici, les cordes sont frappées, claquées, excitées au possible, et la batterie tambourine. Des éboulements chaotiques se déversent sur les peaux. Les cordes crépitent, tiennent au loin toute mélodie. Parfois quelques notes suspendues résonnent, rappellent des douceurs harmoniques d’un ailleurs presqu’oublié, puis les craquements métalliques reprennent, souvent nerveux. Le synthétiseur oublie un temps les nappes aux strates multiples pour grésiller, gronder, tonner, superposer de multiples paysages oniriques. 

La batterie de Roger Turner apparaît à plusieurs reprises comme un détonateur, un pôle magnétique incurvant puissamment les deux autres parcours. Elle frappe continûment, crépite, propulse des mitrailles erratiques qui alimentent la frénésie des cordes, comme sous overdose de caféine, au point qu’on ne sait qui percute. Ces frappes provoquent des éruptions électroniques, des pulsations primordiales. 

Des timbres composites surgissent, sans qu’il soit vraiment possible d’en distinguer l’émetteur, la plasticité de la guitare de Noël Akchoté semant le trouble.

Des pluies drues, puissantes, quasi équatoriales, durablement dévastatrices surgissent; des gouttes lourdes, métalliques, sulfuriques lacèrent les lieux, martèlent les surfaces. Apparaissent alors comme des constructions abandonnées aux éléments, où l’eau goutte et perverti les matériaux, où d’anciens mécanismes continuent de fonctionner à vide, de se délabrer. Le synthétiseur de Jean-Marc Foussat catapulte des images d’un monde d’après, déglingué et perdu. Nous sommes loin des ondes vivifiantes de Victor Hugo. 

C’est donc un album puissant et évocateur, une forme de poésie du désastre, qui nous propose des osmoses de percussions, d’émergences, de timbres, dans la confusion de nos perceptions. Chacun des trois musiciens accroche notre attention dans des géométries instables. Un alliage particulièrement réussi. 

C’est aussi une manière de noeud écologique au mouchoir : pourquoi pas ?

 

 Une suggestion : abonnez vous à la page Bandcamp d’Ayler Records. https://ayler-records.bandcamp.com 

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