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Jazz à Paris
18 février 2014

Trio Esquina à bord du Daphnée

Corto Maltese - Tango

Les Tangos de Corto bandeau

Sur le site d'Emouvance, on apprend que Claude Tchamitchian a crée ce label en 1994 à l'occasion de son projet orchestral "Lousadzak" et qu'en 2002, une agence artistique était créee.
En 2014, Emouvance a 20 ans !
Une série de concerts est programmée à cette occasion, dont celui du trio Esquina (César Stroscio, bandonéon, Leonardo Sanchez, guitare et Claude Tchamitchian, contrebasse), le 26 janvier dernier, sur le bateau Daphnée, à l'ancrage en face de Notre Dame : "La plus belle vue de Paris, donc du monde".
Pas du jazz, mais un trio "argentin" avec Claude Tchamitchian. C'est un musicien rayonnant, ouvrant la bouche pour des paroles d'espoir, d'amour des autres. Fait-il à présent partie durablement du trio Esquina ? Je ne sais. Il avouera avoir joué ce soir-là seulement pour la 4e fois dans cette formation.

Dans le public, on aperçoit Guillaume Roy, leader du trio à cordes IXI : ce trio doit bientôt jouer à l'Atelier du Plateau avec ... le trio Esquina (5 & 6 juin). Et toujours, dans ce même atelier du Plateau, un concert de l'Acoustic Lousadzak de Tchamitchian est programmé les 8 & 9 mars. Il est clair que les frontières esthétiques se brouillent allègrement, pour de nouveaux plaisirs.

Ce 26 janvier donc, une péniche bondée d'amoureux fous de la musique argentine, et de César Stroscio (l'un des fondateurs du Cuarteto Cédron). Un brouhaha aux senteurs ibériques.
Cette musique étonnera toujours en Europe tant elle est la marque d'une culture profondément originale, qu'on croit parfois datée, ossifiée, entre les années 1920 - 1950, mais qui est toujours bien vivace.
On a le sentiment que la musique du trio est très écrite, tant les articulations sont précises, en particulier dans les interventions du guitariste, Leonardo Sanchez, et du leader. En revanche, j'ai eu l'impression que Claude Tchamitchian disposait de larges plages libres. Erreur probablement.

Dans le thème d'Eduardo Rovira "Que lo paren", la structure mélodique ne se dévoile qu'assez tardivement. L'intention de produire par petites touches les diverses couleurs qui vont composer l'écrin du thème. Mc Coy Tiner excellait à fouaiiler un thème pour en extraire tout le suc. Ici, le suc est progressivement distillé pour faire s'épanouïr le thème. Ce thème qu'on reconnaît alors, même en étant peu averti. Une sensibilité très aiguisée qui arrachait l'admiration de ce public affûté. Un thème travaillé encore et encore : "ça n'arrête pas d'évoluer" nous dit Cesar Stroscio. Et pourtant, une pièce ouverte par un Claude Tchamitchian assez loin des canons du tango, et disons-le, toujours aussi magistral. Rejoint par les deux autres musiciens, le trio nous emmène dans un entre deux, entre jazz et tango, avant que ledit thème, presqu'un simple motif, ne se décante après la cinquième minute de la petite vidéo, avant que la scansion propre au tango ne reprenne ses droits, que les volutes autour du thème achèvent de nous envoûter. Et un final où le rythme est ralenti, marqué par de grandes claques du plat de la main sur les bois de la contrebasse, de l'archet sur les cordes.
Un cri de joie qui s'arrache du coeur du public, ravi.



http://youtu.be/nXwEm7FkDvQ

Un concert généreux où bien des thèmes furent joués. Je retiendrais encore une séquence qui parle bien à un certain public européen, une séquence où la belle figure de Corto Maltese fut illustrée par deux thèmes : "Corto y Louise", deux personnages de la bande dessinée "Tango" d'Hugo Pratt (voir présentation), et "La Senegalese" qui évoque encore l'appel du large.
"Corto y Louise", un thème lent, ample, bouleversant. Des notes étirées ou raccourcies procèdent de cette magie de la sensibilité exacerbée. Une guitare qui dialogue au cordeau avec le bandonéon. Lorsqu'elle joue en solo, la guitare de Leonardo Sanchez semble chargée d'apporter des couleurs nouvelles, délicates, pour des aller-retours du trio avec ce thème, repris encore et encore. Et une contrebasse qui nous chavire.


http://youtu.be/PRcT1EuCjj8
(une autre version, un autre effectif, mais avec des planches d'Hugo Pratt)

"La Senegalese" est une pièce enlevée, une milonga nous dit Cesar Stoscio. Une pièce courte, une forme de danse, où chacun dispose de courtes mesures pour apporter une touche spécifique, virtuose, avant que de se fondre dans cette mécanique de haute précision.


http://youtu.be/gudK6zKeOz0

Cesar Stoscio nous apprend que ce disque, épuisé, vient d'être réédité. On peut s'en faire une idée là.

Quitter un temps cette couleur bleue qui nous chavire, ou les vertiges des matières sonores, pour la fascination de lignes mélodiques très finement ciselées et presqu'épurées. Telle était l'invitation d'Emouvance ce soir là.
Esquina : une formation remarquable !

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