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Jazz à Paris
4 octobre 2018

Joëlle Léandre et Bernard Santacruz par Claude Parle (Le Triton)

Joëlle Léandre et Bernard Santacruz

18-09-27_Leandre_418-09-27_Santacruz_4

Voir l'album complet

 

Extrait de la Tablette V de l’Épopée de Gilgamesh,

Les deux héros arrivent finalement à la Forêt des Cèdres, qui suscite leur contemplation
les cèdres majestueux et d'autres essences, leurs parfums ; les chants des oiseaux, des criquets, les cris des singes se combinent pour former une polyphonie dont profite Humbaba, le maître des lieux.

Oui ! ... Parce qu'en effet que dire ? Qu'écrire, lorsque Joelle Léandre et Bernard Santcruz arrivent sur scène au Triton, dans une étrange exiguïté qui ne peut émaner que de la malignité et la malfaisance des Dieux .
Nul doute que l'étroite porte que nous venons de franchir n'est qu'illusion et que nous venons de pénétrer dans un ce ces multivers dont l'ouverture reste parfaitement énigmatique ...
Mise à part la rencontre de Gilgamesh et d'Endiku ? Leur fabuleux combat contre le géant Humbaba l'invincible, puis la quête de l'immortalité enfin ..

À travers) toute la forêt, un oiseau commence à chanter :
Un grillon solitaire (?) entame un chœur bruyant,
Une palombe gazouille, une tourterelle lui répond.

Parce que Joëlle joue et cela commence comme l'introduction au Sitar d'un antique Raga ...
Parce l'épicéa qui se nourrit de corde et enfante le son appartient aussi à la famille des cèdres et que ces arbres sont sacrés ! ...
Et que le style de Joëlle, comme le mot l'indique est comme le tronc d'un arbre qui engendre une forêt de sons ...

Et Bernard, me direz vous ? ...
Eh bien lui aussi est une sorte de géant, un éreinteur de contrebasse, un équarrisseur de troncs, un virtuose de la hache et du passe-partout ...

Et voilà que leurs deux basses s'enlient, viennent faire un ramage-ravage propre à décrocher les nuages, égrisant nos tympans effeuillant les buissons encombrant nos artères, nos labyrinthes, nos pavillons hérissés ...
Quand les doigts de Bernard treppent sur l'ébène, les crins de Joelle frisent d'impalpables harmoniques sur ses cordes; la basse de Santacruz grince avec plus d'acharnement qu'un galion sous la fureur d'un typhon, l'archet de Léandre rugit et grogne sur trois cordes à la fois ! ! ...
L'un lance un rythme décérébré, l'autre file sur des gruppetti de notes qui sifflent plus que les furies jaillissant de la boite de Pandore ...
Puis soudain: le calme, certainement nous voici par quelque miracle étrange dans l'oeil du cyclone ...
Chacun observe l'autre, et notre respir s'éteint ...

[...] se répondent les uns aux autres, le bruit était un vacarme incessant,
[...] chantent une chanson, faisant la ... flute fort.
[À l'appel de] la cigogne, la forêt jubile,
[Au cri] du francolin, la forêt jubile pleinement.
[Les mères-singe] chantent à haute voix, un jeune singe crie :
[Tel un orchestre (?)] de musiciens et de percussionnistes (?),
Chaque jour ils font retentir (cette symphonie) devant Humbaba.

Alors commence cette étrange mélopée des sirènes; cela nait d'indistincte manière de la basse, puis on devine mieux qu'il s'agit de celle de Joelle, reprenant, sur les harmoniques qu'elle seule sait extirper de ses cordes qu'un sortilége particulier déroba aux forges bannies d'Hephaïstos, l'âpre chant de la prêtresse de Beare ...
Puis la voix se précise, elle échappe aux cordes, s'enfle et nous presse, elle nous secoue, elle dresse nos cheveux sur nos têtes, elle fait chanceler nos vertèbres, elle nous plie comme épis sous l'orage ...
Ensuite, encore le silence ...
Les duos s'enchainent et se succèdent sans qu'aucune limite ne nous semble vraiment évidente ...
Ils s'amplifient, ils s'arc-boutent, ils courent l'un devant l'autre, l'autre avec l'un, puis s'encourent et disparaissent ...
La magie, la magie pure ...
Parce qu'il ne faut pas perdre de vue l'objectif: Affronter Humbaba ! ..

Le combat s'engage alors, avec une première passe d'armes au cours de laquelle le dieu Shamash vient à aide à Gilgamesh, faisant s'abattre sur Humbaba les « Treize vents », qui l'immobilisent.
Et Shamash, contre Humbaba,
Fit lever de grandes tempêtes :
Vent-du-Nord, Vent-du-Sud,
Vent d'Est, Vent d'Ouest, Vent-souffleur,
Vent-rafales, Vent-tourbillons,
Vent-mauvais, Vent-poussières,
Vent-morbifère, Vent-de-Gel,
Et Tempête, et Tornade :
Les Treize Vents (tant) se ruèrent sur lui,
Que son visage s'assombrit :
Il ne pouvait, ni avancer, ni reculer,
À portée des armes de Gilgamesh

Décrire tout cela n'est plus à la portée du langage humain ...
Ce qui sort de ces basses défie alors l'entendement, comme si ces cordes s'inboisaient, comme on dit s'incarner, dans ces carcasses de bois et de vents, vernies de sang et d'embruns, pétrifiées aux enduits des éons ...
Les chants qui se parlent et se fécondent, leurs envois, leurs frications, engendrent des mondes, des langues ...
Tout va trop vite, il faudrait apprendre tout cela pour nous permettre de survivre à l'agonie des mondes ...
Comment retenir l'incantation des cordes, ces câbles enserrant d'autres univers, d'autres impensables ...
Comment faire face aux monstres dévorateurs d'espoirs quand ces caisses cesseront de résonner ? ...
Comme une fugue où sujets et contre-sujets seraient multiples, générant tant de suites que Fibonacci lui même laisserait à l'abandon ...
Mais l'espoir nous tient tant que la vie dure ...
Nous pouvons sentir ce qui émane des ces formidables instruments nous agacer, nous écharner et fomenter en nos chairs et nos viscères les fermentations futures ...
Hors du son, point de salut ! ! ...

... Les héros se ruent à nouveau contre Humbaba, qui tente de leur échapper, mais ils parviennent à le mettre à mort.
Les vainqueurs procèdent ensuite à l'abattage de cèdres sur la montagne, et Enkidu décide de se servir d'un arbre particulièrement massif afin de construire une porte qu'il portera en offrande à Nippur, la ville du dieu Enlil, sans doute pour apaiser ce dernier après la mise à mort de son protégé.
Ils s'en retournent à Uruk, Gilgamesh portant avec lui la tête de Humbaba

Nous avec nos joies, nos peines, saucées de ce divin nectar, renâclant de devoir s'extirper de nos sièges, réalisant que la porte temporelle vient de se refermer inexorablement sur la clôture de cet univers par trop familier que nous commençons d'exécrer à force d'habitudes ...
Nous aussi, nous jouerons demain, nous aussi, nous partagerons des victoires avec nos partenaires de folies, nous n'auront plus de plaintes, nous apprendrons des musiques inouïes, des musiques à ouïr avec les dents, des musiques à bouger les ponts, à trembler les falaises, à gésir les tours et toutes ces cimenteries tant mentales qu'urbaines, nous aurons, comme hurlait Léo: TOUT ! ...
Mais ... Pas dans dix mille ans ... DEMAIN ! ...

C.P.
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Final du concert en images et sons


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Epic_of_Gilgamesh,_three_fragments_-_Oriental_Institute_Museum,_University_of_Chicago_-_DSC07124
Par Daderot — Travail personnel, CC0,
https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=40840359

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