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Jazz à Paris
16 juin 2020

Manuel Hermia 4tet «There’s Still Life On Earth »

3

 

La pochette est une est une forme de pirouette : elle entend illustrer engloutissement de la planète dans les détritus en plastic, tout en leur donnant des couleurs vives de jouets hors de tout usage réel. Une manière de dire "C’est pour de faux, mais si ça devenait vrai ?" 

Un autre trait d’humour est le nom du groupe, l’Orchestra Nazionale de la Luna, un nom pompeux pour un quartette, en italien pour un groupe composé de deux belges, d’un finlandais et d’un français. 

Leur musique est tout aussi surprenante, décalée, faite d’images qui marquent les esprits.

Parmi celles-ci, je choisi pour commencer un orient fantasmé. Ainsi la troisième pièce, "El Bahr", la mer, nous emporte sur les rivages de l’Afrique du Nord, avec une rythmique mixant le balancement d’un chameau et un lointain jazz rock, dont le tandem Sébastien Boisseau et Teun Verbruggen ont le secret, sur une mélopée qui vient se lover aux creux de nos circonvolutions cérébrales. Le moog de Kari Ikonen prend des accents d’un oud électrifié avant l’envol puissant du sax de Manuel Hermia. Cette pièce de plus de sept minutes file vite, trop vite !

Cette même couleur d’orient, cette fois reprise au bansuri (flûte traversière en bois indienne), se retrouve sur "Al Qamar", la Lune selon mon traducteur en ligne. Encore une fois, une pulsation obsédante à laquelle se mêle le piano. À noter le soutien puissant de la basse à la flûte et le superbe duo moog-bansuri, sur des sonorités de tablas (Teun Verbruggen est un pur sorcier). N’allez pas penser à des musiques ethniques, c’est de jazz authentique qu’il s’agit, le magnifique solo de Sébastien Boisseau peut en témoigner, parsemé d’interventions à la flûte et au moog, au milieu de crépitements des baguettes. Les presque neuf minutes sont décidément trop courtes.

On retrouve la puissance de la basse dans l’ouverture de "Ecocracy", avec des friselis à la batterie et au piano ou au moog, avant l’exposition du thème au sax, parasité par l’électronique. Un ralentissement, puis un long silence, avant la reprise du morceau avec une basse omniprésente, et un feu follet à la batterie, pour finir sur un cri.

La Finlande du pianiste n’est pas oubliée, avec deux titres dont "Myrkkysienikeitto" qui semble signifier soupe aux champignons vénéneux. Un thème simple, repris de diverses façons, souvent en éclats multiples, crépitements, une forme de kaleidoscope, laissant une large place aux claviers et aux baguettes, ou en hululements mixant flûte et basse. Si vous aimez être surpris ...

"Out of Gravity" nous offre de toutes autres images. Une atmosphère éthérée, quelques touches posées ça et là, des balais qui survolent, caressent, et un sax qui susurre avec langueur une mélopée sans fin. Une sorte de station d’épuration pour éliminer toutes les scories de notre âme. 

Le nom de l’album est celui de deux morceaux, en début et fin : une forme de fanfare instable qui s’éteint sitôt qu’elle se manifeste. L’humour encore.

Mais la gravité, la sensibilité aux enjeux vitaux sont là. La musique sait alors se faire fragile, le souffle se faire lyrique, pour évoquer le délitement de la planète, comme dans "Melting Pôles".

C’est donc un Jazz à la fois inventif et séducteur qui nous est proposé, avec de fortes propensions aux voyages fantasmés et puissants, avec un engagement fort mais délicat. Un bien bel album.

On peut y goûter via ce clip vidéo reprenant le dérèglement des pôles



 Il est possible de télécharger l’enregistrement via iTunes, ou de commander le CD physique via Amazon, tout est là : https://orcd.co/ondl-still-life 

PS 

Lire une interview de Manuel Hermia dans [Jazz Halo-> https://www.jazzhalo.be/interviews/manuel-hermia-et-lorchestra-nazionale-della-luna/] à propos de cet album.

Il existe aussi un Orchestre de la Lune, un « Little Big Band »mené par le saxophoniste et flûtiste américain, vivant à Paris je crois, Jon Handelsman.

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Retrouvez toutes les chroniques —-

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