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Jazz à Paris
31 octobre 2019

Masahiko Togashi - Mototeru Takagi : Isolation (1969)

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Avec ce duo, on retrouve deux des figures majeures des premiers temps du Free japonais, le batteur Masahiko Togashi et Mototeru Takagi au sax tenor et à la clarinette basse (et à la flûte ? Voir *).

On retrouve aussi une formule qu’appréciait en son temps John Coltrane, le duo, avec batteur, avec Elvin Jones puis Rashied Ali**. Il y a certes des proximités, ne serait-ce que dans l’écoute actuelle de ces musiques d’alors. Mais je crois qu’on gagnerait en plaisir musical  en nous défaisant de ces souvenirs, en nous offrant des oreilles neuves.

L’album ne comporte que deux titres. 

Sur Isolation 1, Masahiko Togashi  semble n’utiliser que de peu d’éléments de sa batterie. Les résonances sont peu sollicitées, comme pour souligner le caractère « art brut » de la production. Un flot de roulements, de cahots, de chocs mats qui se prolonge sans que rien ne l’arrête, qui n’est même pas modifié lorsque Mototeru Takagi s’arrête de jouer, pendant près de 4 minutes. Le batteur semble considérer nécessaire l’exposition de son propre discours, sans se préoccuper davantage de celui du souffleur***. Nous ne serions donc pas dans l’écoute de l’autre, et dans la magie de l’instant chères aux musiques improvisées européennes. Mais serait-ce un faux semblant ? Togashi s’arrête de jouer pour le début d’un solo de flûte surprenant, bouleversant de Mototeru Takagi, encore plus primitif, brut, souffles et sons mêlés. Quelques touches de cymbales puis les roulements : cette fois c’est le silence de Takagi pendant un temps puis une reprise au sax où les râles, les étranglements, les enrouements rejoignent parfois quelques accents bluesy.

La seconde pièce en revanche, Isolation 2, démarre sur des résonances métalliques, tubes, vibraphone et cymbales, alors qu’un souffle étrange lacère cette quiétude, avec violence. Des stridences éblouissantes de flûte, un vrai dialogue où Togashi se met à la disposition du souffleur. Et là j’avoue mon saisissement : des souffles de flûte, des sons de clarinette basse, un mix de matières sonores qui laisse pantois (voir *). Résonances de timbale, éboulis sur caisse claire, la complémentarité des deux discours laisse penser à un projet écrit, méticuleux . Des sons nasillards jouxtant les rondeurs de la clarinette, des frappes éparses ou cahotiques, des pépiements, des  gazouillements, toute cette pièce envoûte et déroute. Elle se termine par une succession de frappes mates, irrégulières, le souffleur s’étant tu.

Le sentiment prévaut d’un dénuement nécessaire et salutaire, d’une recherche de l’essentiel, de la pureté, non sans liens avec la tradition esthétique du pays, où le silence vaut musique, servis par une maîtrise instrumentale sans faille. Un album à découvertes  et plaisirs multiples au fil des écoutes. Comme dirait un certain Phillip Mc..., cet enregistrement, il vous le faut.

L'album fait évidemment partie de la sélection publiée sur jazzaparis : Free Music 1960-80 Disk Guide (via Pierre Crépon) - Jazz à Paris.

Il n’est pas disponible sur les grandes enseignes. En revanche il est possible de le trouver sur Discogs à un tarif parfois encore supportable : Recherche pour "takagi togashi isolation"sur Discogs

Je vous propose une vidéo full album pour y goûter

 

* Flûte ou pas  flûte ? Sur Discogs, sur la vidéo, Mototeru Takagi est crédité des seuls sax tenor et clarinette basse. Via Inconstant Sol ( http://inconstantsol.blogspot.com/2010/11/masahiko-togashi-mototeru-takagi.html ) et freejazzblog.org, il est aussi crédité du « cornpipe ». Soit il s’agit d’une flûte primitive, soit nous aurions à faire à un instrument à poche d’air, à l’image d’une cornemuse, ce qui permettrait des sons simultanés.
À moins qu'il n'y ait pas de 3e instrument mais une technpiqué de jeu très originale.

Pour les curieux, ledit article sur Inconstant Sol réserve en plus une bien bonne surprise.

** À noter, les duos Coltrane-Ali datent de 1967 mais ne furent publiés qu'en 1974

*** Masahiko Togashi fut victime d'une agression en 1969, le laissant paralysé de la partie basse du corps. À sa sortie d'hôpital, il a aménagé sa batterie à sa situation nouvelle. Il semble que l'album "Isolation" soit le premier depuis ce traumatisme, d'où peut-être cette énergie farouche.

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Retrouvez tous les articles ImproJapon

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