«Il est l’ancrage du groupe » (par Richard Comte pour Simon H Fell)

Richard Comte et Simon H Fell (par Jo Fell)

En partant, Simon H. Fell laisse un vide immense, à la mesure de sa générosité, de sa détermination et de sa grandeur d’âme. Quelque chose de son intelligence, de son humour et de la force de son engagement entretiennent durablement sa présence, sa trace exceptionnelle.

Improvisateur et contrebassiste virtuose Simon rassemble autour de son écoute et de ses propositions sans jamais diriger, dans une parfaite conscience du geste collectif; il est l’ancrage du groupe.  

Compositeur prolifique aux multiples facettes, il fait coexister librement les esthétiques et les pratiques pour créer de nouveaux espaces, faire entendre le champs des possibles, le multiple, dans des pièces à l’architecture en mouvement.

Il grandit au Royaume Uni en pleine explosion créative. Les scènes et les pratiques s’y croisent. Il absorbera l’essence de cette époque pour forger son approche radicalement ouverte et personnelle.  

Dans ses compositions, il utilise des éléments indéterminés qui viennent donner vie, interférer, remettre en jeu sur l’instant les éléments d’écriture : l’improvisation « non idiomatique » y côtoie une écriture contemporaine très précise, l’improvisation « full on » free jazz radicale, des formes de rock noise les plus brutes, la musique acousmatique, le jazz contemporain dans la continuité du travail de Braxton, la musique minimale aux portes du silences ou des formes de jazz plus anciennes. Il fera appel à des musiciens de différents  horizons qui l’aiderons à tisser des liens entre les genres et leurs pratiques, toujours dans une relation de profonde confiance. Il refusera systématiquement tout rapport de supériorité entre les éléments musicaux comme entre les personnes.

Simon accompli un travail considérable sur le rapport entre notation et improvisation. Sa profonde réflexion qui prend son essence dans les expériences musicales est nourrie par de nombreuses références aux arts visuels, à l’architecture, à l’histoire, à la philosophie et à la littérature. 

Il partagera ses recherches avec beaucoup de générosité et de bienveillance avec ses collègues et amis plus jeunes. Une transmission orale d’une richesse incroyable qui fera en quelque sorte l’objet de sa thèse publiée en 2017.

J’aimerais re-partager deux citations de Simon parues sur The Wire, dans l’hommage qui lui est consacré par Julian Cowley paru en Juillet 2020. La première est un extrait de sa thèse PHD et la deuxième est extraite d’une interview réalisée à Cambridge publiée en Août 2000 et sur The Wire (https://www.thewire.co.uk/in-writing/essays/simon-h-fell-1959-2020)

“I am a practising improvising musician who believes that it is possible to compose (ie to at least partially predetermine) a piece of music that is to be played by other musicians without any implicit assertion of creative superiority, special insight or technical exceptionalism.” 

(ref. his PhD thesis for the University of Huddersfield : «  A more attractive ‘way of getting things done’ 

freedom,  collaboration and compositional paradox in British improvised and experimental music 1965-75 », 2017)

http://eprints.hud.ac.uk/id/eprint/34533/1/Simon%20Fell%20FINAL%20THESIS.PDF

“The classic situation for me is listening to an orchestral piece by Richard Strauss or Mahler, listening to maybe Stan Tracey, listening to an Anthony Braxton quartet composition, and listening to Derek Bailey, and thinking, wouldn’t it be great if you could have all these things at once?” (ref. quotation from “Cambridge Interview”)

De mon point de vue, il ouvre littéralement la voix que les jeunes musiciens empruntent aujourd'hui sans hésiter. Personne discrète et humble, son influence est grande à la mesure de sa détermination et de son génie.

Mes pensées vont à Jo Fell, épouse de Simon qui sera pour lui un soutien total tout au long de son parcours; elle épousera son engagement sans faille. Le travail de photographe de Jo accompagnera la majeure partie des publications de Bruce’s Fingers (label crée par Simon et Jo en 1983). Elle travaillera également sur les productions, parfois autant que Simon, et les accompagnera de sa présence bienveillante.

Formée à la lutherie, elle réalisera pour lui une superbe contrebasse à cinq cordes à la sonorité incomparable qui sera son instrument de prédilection.

Comme mes collègues, je salue ici de tout mon coeur mon ami et mentor qui m’aura fait confiance en m'incluant dans ses projets et en me guidant tout au long de nos échanges. Je suis heureux d'avoir pu vivre et accomplir tout cela à ses côtés.

Richard Comte a choisi cet album, alors qu'il n'y joue pas, parce qu'il l'a marqué.

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Comments

[orynx]

oui cet album S.F.E. Positions and Descriptions défie le consensus du jazz contemporain et offre des perspectives aussi fortes que celles dAnthony Braxton ou Jon Rose.