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Jazz à Paris
11 novembre 2020

Tamio Shiraishi « Sora » (Relative Pitch Records; 2020)

Tamio Shiraishi Sora


Tamio Shiraishi est un saxophoniste totalement habité par les sons aigües, suraigües même, de son alto. La métaphore immédiate serait celle des chants d’oiseaux. Mais il ne chante pas. En particulier au début de l'album, il expulse des phrase plutôt brèves, et pour cause, c’est qu’il se vide alors avec force de tout son air, au risque de s’en froisser les poumons. 

Il y a bien ce qui ressemble à des trilles, mais il arrive que les résonances graves du corps de son instrument s’en mêlent, souvent simultanément, soulignant l’origine métallique de ces lacérations.

Tamio Shiraishi vagabonde hors gammes, parmi les micro intervalles, en fouillant les multiples strates de ses sons. Il sait révéler la puissance émotionnelle bouleversante de ces dérapages, de ces vrilles instables, tout à la fois semblables et différentes, obstinées, qui reviennent telles des coups de boutoir durs et inlassables. C’est alors  notre air qui est ainsi expulsé dans une réaction mimétique, nous focalisant sur cet expressionnisme d’un nouveau type, probablement unique, qui sait créer une forme de fascination.

Par moment, il lance des séquences hors sax, sur un laptop ou sur un lecteur de cassettes, faites de salves de bruits blancs, d’orages électroniques, de tonnerres indistincts, au sein desquels il fait jaillir ses suraigües, une forme de clair-obscur saisissant de timbres, de granulations.

Souvent la voix n’est pas loin, les sons de gorge viennent frôler les trilles, et des micro craquements se font entendre. 

On pourrait croire cette musique loin de tout héritage. C’est effectivement le cas pour le phrasé, pour l’obstination du tutoiement des cimes, pour ces notes parallèles, mais en ce qui concerne l’imaginaire véhiculé, certaines couleurs, il arrive qu’on croit détecter quelques vagues réminiscences d’une tradition nipponne fantasmée.

Cependant l’essentiel est ailleurs. On reste captivé par cette ascèse, par ce discours, parfois éraillé, qui vient triturer les synapses de nos émotions, d’autant que la qualité de l’enregistrement vient magnifier ces sons étranges. Ils sont comme projetés dans un espace aride et pur, déployant leur résonances. 

Cet album est disponible à l’achat auprès de votre disquaire favori, ou via des plateformes spécialisés comme japanarchives (https://japanarchives-mailorder.com/2020/08/17/tamio-shiraishi-cd-sora/). Il est aussi proposé sur Bandcamp.

 

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