Dans la Jungle du douanier Rousseau
C’est comme dans la Jungle du douanier Rousseau …
On repousse peu à peu les tiges & les palmes, puis les branches et cela devient touffu, dense …
Alors on sort la machette et on commence de tailler …
À mesure de la progression, les cri-sons deviennent peu à peu localisables, puis identifiables, l’obscurité nous pénètre et nous commençons à nous heurter au grain des voix, au gris des cordes …
Ça rore, rung & groei, ça couine, ça luit, ça stride …les doigts avides glissent sur de serpentines formes/masses, prima materia … Crochons à revers et faisons tors & guenches…
Les oiseaux invisibles nous effleurent de leurs ailes démesurées, quand ce ne sont pas d‘invisibles colibris qui becquettent nos oreilles
Immergés que nous sommes dans ce végétal, nous dérivons sans cesse sans repère aucun, pas de lueur, pas de ciel, pas de piste …
les nues d’oiseau métamorphosées en nuées de papillons fous, des chiroptères géants rasent nos têtes inclinées.
Puis, parfois, le vent s’engouffre essaimant les myriades d’insectes libérés des filets chlorophylliens …
Lianes titanesques, cris rauques & glapissements déments, irisations métalliques.
Puis le vertige nous prends, collés aux vitres d’un train fou, lacération du temps et de l’espace … sensation de chutes libres …
Il n’y a plus de soutien …
Le sol se dérobe effrité sous les barrissements de pachydermes fous
Mastodontes des millénaires enfouis dans le limon primordial ..
L’air alentour se coagule, au lointain de grands orchestres s’accordent …
Milliards de violons cosmiques, démesure de l’orchestration, sifflements doux-aigres, phases & déphases …
À peine voyons nous encore l’ombre de nos mains, l’ombre de nos pas …
C’est comme si, au loin, d’immenses cyclopes traînaient d’énormes tronc haubanés de lianes dans un craquement obscène & inquiétant …
Mugissements reptiliens des naufragés du crétacé … On voit luire sous leurs écailles de plumes d’étranges pupilles plus froides que l’infini des déserts de glace …
Là, sur la droite, la rumeur soudaine d’un chant diphonique avec grand’ outres & percussions et didjeridoo, fracas d’herbes sèches foulées d’éléphantesques montures, trompes beuglantes assourdissant et fauchant tout sur leur passage ….
Affrontements sans fins de tribus possédées, cris stridents de pygmées .
Eternel brassage de l’homme pétrifié de rage dans sa course aveugle & sanglante …
Bat insupportable des orgues et des tambours à jamais disparus tandis qu’hurle une cauchemardesque ménagerie de bêtes inidentifiables …
Puis nous pénétrons les marécages …
Englués dans la houle, il semble que de larges carcasses s’ébrouent jusqu’à l’encastre, enchenillant vergues & haubans, grincements hideux de carcasses moussues s’éventrant les unes les autres … Tout finit par sombrer dans un muid de limon de glaise et de sable mêlés, les museaux de quelques sauriens hirsutes soudain jaillissent & forent dans le bois redevenu végétal …
Nous ne pouvons plus rien faire, les mats s’en viennent battre comme une porte nos tympans dévastés où le silence, peu à peu se fait, tandis que l’espoir d’une voix lentement au loin s’évanouit …
Pourtant le timbre était proche, la chaleur du souffle hérisse encore le duvet de nos oreilles … Loin loin là bas, vers l’horizon, comme un accord furtif de guitare engloutie …
C.P
Jean Sébastien Mariage & Guylaine Cosseron @ Les Nautes, dimanche 16 fev 2020
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