NYX : Sophie Agnel, Isabelle Duthoit et Angelica Castellò aux Instants Chavirés (5 fevrier 20)
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Trois aventurières du son, dont deux déjà bien connues sur la scène française, Sophie Agnel et Isabelle Duthoit. Elles se sont jointes à Angelica Castellò née au Mexique mais vivant en Autriche. Elles ont déjà été invitées pour un concert « À l’Improviste » et se retrouvaient ce soir là aux Instants Chavirés.
Sophie Agnel ausculte très fréquemment les entrailles de son piano pour en extraire des sons les plus étranges, quitte à accompagner cette plongée par des frappes sur le clavier. On la voit souvent debout, scrutant le jeu de ses partenaires de scène, pour anticiper et accompagner leur discours, les perturber, ouvrir de nouvelles voies.
Isabelle Duthoit est clarinettiste et « vocaliste ». Avec un peu de chance, on peut la voir jouer de son instrument noir entier, mais en général cela ne dure pas : elle le démonte pour en utiliser une partie soit pour la faire sonner (le bec), soit modifier sa voix, son souffle (le pavillon). Pendant une large partie du concert aux Instants Chavirés, tout son jeu était concentré sur sa voix, toute en craquements aux limites de la rupture
Quant à Angelica Castellò, on pouvait la voir manipuler bien des outils électroniques mais on ne pouvait manquer de voir son autre instrument, impressionnant : une flûte à bec. Ici, l'instrument est de grande taille, posé verticalement au sol, bien rouge, et aux clés rectangulaires de belle taille.
Voilà pour les impressions visuelles. Quant à la musique ...
Au début du concert, ce sont d’abord de petits instruments métalliques, des clochettes, qui sont agités. Sophie Agnel fait trembler les cordes graves. Isabelle feule, une histoire l’habite déjà. Des cordes aiguës sont percutées. L’électronique et la flûte déploient des drones graves.
Se met progressivement en place un univers musical impressionnant au piano, fait de touches de clavier venant ponctuer un flux complexe, de grandes résonances du grand corps en bois, de percussions directes sur les cordes, avec une instrumentiste en vigie.
À l’autre extrémité de la scène, des sons étranges sortent des alambics électroniques, des agrégats complexes mais non invasifs, parfois des voix distantes, souvent indistinctes, et cette si grande flûte qui magnétise le regard et diffuse des nappes sombres.
Et le conte chamanique au milieu, rendu possible par les grondements des éléments d’une nature sauvage, primitive, de part et d’autre. Ne pas chercher, juste partager cette cérémonie où la voix sort de tout sentier balisé pour des incantations indistinctes, des récits forcément fondateurs, des épopées que nul ne peut connaître, peut-être même pas la prêtresse Isabelle, toute entière à l’intérieur de cette cérémonie primordiale. Car ici, la musique est nue : la voix, seule, pas même les syllabes ou le chant. Les yeux sont fermés. Les mains accompagnent ces craquements de voix aux limites de la brisure, le sourire souligne l’illumination intérieure. On imagine la cassure, mais c’est une dentelle sonore qui se tisse inlassablement.
La communion dure ainsi près d’une heure, sans temps mort. Raconter l’histoire serait vain, tant les paysages fluctuent, les matières sonores se diluent. Toute la magie du concert est là, les regards, les vibrations des cordes et du bois qui se propagent dans nos corps, les trames et les cahots électroniques qui nous surprennent, et cette dramaturgie centrale saisissante.
Un excellent concert offert au public des Instants Chavirés.
La piètre qualité des captures vidéos ne permet pas de restituer cette ambiance. Juste une virgule de trois minutes pour donner un aperçu, bien imparfait, de cette soirée magique.
Il est possible de voir la vidéo du concert "A l'improviste" sur le site de France Musique.
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