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Jazz à Paris
6 avril 2021

Joëlle Léandre, Myra Melford, Lauren Newton « Stormy Whispers »

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English version below 

On ne peut pas ne pas penser au standard au titre si proche, « Stormy Weather », datant des années 40. Chacun ses tropismes, les miens m’orientent vers le workshop de Mingus en 75 avec Dolphy. J’imagine que nos trois dames partagent cette balise mais qu’avec malice, elles ont choisi une forme de contre-pied. Des chuchotements orageux ! Et tous les titres sont des « Whispers ».

Loin des langueurs du standard, une musique toute dédiée à la délicatesse extrême des moments qu’elles ont choisi de partager avec nous. Des litotes qui nous saisissent. Peu de repères mélodiques, mais des notes absolument magiques sur le clavier de Myra Melford, exactement au point G de notre sensibilité, si un tel point existe (Whisper 1). 

Des mots d’une langue étrange susurrés par Lauren Newton, éveillant de larges registres expressifs, d’infinies nuances : la surprise, la séduction, le plaisir, la confidence. On pourrait continuer ainsi. « Something Else » aurait dit Mingus ? Oui, des chants aussi, perchés en équilibre incertain, hors idiomes connus, parfois à proximité immédiate des timbres de l’archet ou dans une danse folle avec lui (Whisper 4). Dans Whisper 5, ce chant prend des accents d’une musique sérielle toute de malice, puis d’une confession hachée, par moments gutturale, ponctuée de percussions de cordes sans résonance sur le piano. Myra Milford sait brouiller nos tympans. Mais ne s’agit-il que d’elle ? Il y a du bois choqué du bout des doigts, peut-être celui de la basse. À moins que les rôles soient inverses. 

Et puis deux voix (Whisper 6) ! C’est que la basse est dotée de cordes vocales. Pas de tragédienne cette fois, ni de cantatrice, mais celle de diseuse de secrets bien enfouis, à peine divulgués dans une langue ésotérique. C’est que pour Joëlle Léandre, tout est prétexte à expression, à faire musique. Ici, elle se joue de son archet, elle papillonne, elle se pose à peine, elle fait frissonner les cordes ou au contraire les écrase un peu en de larges mouvements légers. Elle s’approprie les « tremblements de terre très doux ». Une sorte de retenue qui éclabousse tout, qui illumine. Less is more !

Et puis Myra Milford à un coup de chaud. Elle est « vapeur » dirait Agrippine [1]. Elle projette des éclats fulgurants, tout en esquissant et répétant une ligne de basse, en une sorte de bise envoyée à cette tradition qu’elles ont pourtant transgressée. D’ailleurs pourquoi en parler davantage ? Écoutons Whisper 7.

 

Ce bijou vous est proposé par le label Sluchaj, abonné aux trouvailles hors pistes. Joëlle Léandre aime à nous provoquer, à nous surprendre, avec ses formations « de filles ». Celle-ci brille par ces litotes à l’expressivité dévastatrice. L’oxymore du titre, Stormy Whisper, est une gageure pleinement réussie, avec brio.  

[1] Agrippine : une ado, personnage de Claire Bretecher

English version 

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