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Jazz à Paris
13 mai 2021

Sabu Toyozumi, Rick Countryman «Masaki Castle Tower » (ChapChap)

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Rick Countryman a quitté les USA et son terreau fertile du jazz pour faire sa vie aux Philippines, loin de ses pairs. Mais certains musiciens viennent sur ses terres et l’y rencontrent, comme le batteur suisse Christian Bucher, occasions de graver de superbes enregistrements. Rick prodigue un Free rugueux, rauque parfois, lyrique, une musique de  rencontres, de l’instant, spontanée.

Sabu Toyozumi est ce drummer de légende ayant été l’une des figures essentielles de l’émergence d’un Free japonais original, une forme d'appropriation aux multiples conséquences, dont une part de la radicalité nippone actuelle. Il a été un très proche de Kaoru Abe, un saxophoniste d’exception, à la carrière aussi courte que fulgurante.

Ce drummer est aussi un infatigable voyageur, allant à la rencontre des autres, aussi bien en Afrique, aux USA et ailleurs dans le monde. À 78 ans, on pourrait s’attendre à un relatif recul, il n’en est rien. Il voyage encore. Lors de sa récente visite au Philippines, en mars 2020, cinq albums ont été enregistrés. Manifestement, ils avaient beaucoup de choses à se dire, à nous dire.

Entre les deux, une amitié, un compagnonnage s’est installé, et a conduit à la publication d’une dizaine d’albums en assez peu d’années.

Ils ont souvent joué avec le bassiste, Simon Tan, et plus récemment avec le turbulent Yong Yandsen (ts), mais ils ont aussi pris l’habitude de se retrouver en duo. Cet album en est le quatrième exemple.

Ici, les jeux respectifs vont à l’essentiel. 

Sabu Toyozumi, en vénérable qui refuse son âge, percute hors de tout tempo, avec une dynamique des frappes, une subtilité qui laissent pantois, et qui désespèrent les preneurs de son. Il fait musique de tout choc, de tout désordre apparent, avec la malice du chenapan.

C’est pour le saxophoniste l’occasion d’une expressivité sur le fil du rasoir, d’un phrasé qui parcoure les timbres, les strates harmoniques, les suraigües. 

Ils dédient ici un hommage appuyé à Kaoru Abe, après celui consacré à Mototeru Tagaki, autre figure marquante de ces années 70, dans un précédant album en duo, « Sol Abstraction ». Dans cette « Ode to Kaoru Abe », les frappes sont déstructurées, avec des friselis, des ponctuations, une forme de retenue n’excluant pas quelques éclats. On retrouve cette déférence au sax, la profondeur de l’hommage, ces phrases éraillées, ces timbres qui dérapent, pour progressivement développer un duo d’une belle intensité puis un solo de batterie qui rappelle par moments certains maîtres d’antan.

On retrouve cette expressivité dans la piste qui donne le titre à l’album, « Misaki Castle Tower », et qu’on va déguster ensemble. 

Cette rencontre épurée entre Sabu Toyozumi, le magicien des frappes, et son ami Rick Countryman, est l’illustration de ce que le jazz peut apporter de convergence entre des parcours pourtant bien différents, d’étincelles de l’instant. Sabu Toyozumi développe là un jeu comme distillé, souvent déstructuré, avec des frappes posées dans l’espace comme des balises aléatoires ... et millimétrées. De purs présents offerts à Rick Countryman qui trouve là l’occasion de déployer un lyrisme intense. 

Une réussite de plus pour le label ChapChap de l’infatigable Takeo Suetomi, à qui l’on doit bien des trésors.

PS : l'illustration de pochette est due à Sabu Toyozumi 

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