João Camões, Luise Volkman, Yves Arques « Ölbaumgewächse » (Creative Source)

João Camões (vla) nous avait enchanté lors de son séjour en France. Ce fut une découverte sur la scène improvisée française lorsqu’il se mêla à Jean-Marc Foussat, Claude Parle, Jean-Luc Cappozzo et d’autres. On trouvera en bas de page quelques chroniques de concerts ou d’albums auxquels il a participé.

Actuellement, il est de retour chez lui, au Portugal. Mais sa musique ne connaît pas de frontière et c’est avec intérêt qu’on découvre l’une de ses dernières productions, un album en trio avec Luise Volkman (sax) et Yves Arques (elec). Le trio se nomme « Gelber Flieder », Lilas Jaune selon mon traducteur en ligne. Malgré ce que laisserait croire ce vocabulaire allemand, le groupe s’est formé à Paris alors que les trois protagonistes y vivaient.

C’est avec une comptine (allemande encore) que l’enregistrement débute, chanté par les trois artistes. Ma compréhension inexistante de cette langue ne me permet pas de vous en dire l’objet, si ce n’est qu’il y est question d’un crocodile. Cette comptine, peut-être pré-enregistrée, est progressivement accompagnée, parasitée par des murmures électroniques, quelques coups d’archets, des souffles et des claquements de clés, pour ensuite être ensevelie puis s’évanouir.

Le jeu sur les clés se fait plus hardi, plus puissant, avant que des quasi drones s’échappent du sax, éraillés, laissant apparaître les harmoniques comme s’il s’agissait des entrailles du son. Cette étroitesse chromatique se retrouve sur les cordes, en des bourdonnements continus, parfois obstinés, ainsi que sur les divers instruments de Yves Arques (dont une flûte? un clavier ?), pour provoquer comme des respirations amples.

La mélopée du sax, quasi stationnaire, continue son errance fragile, entrecoupée de claquements, de quasi percussions, de stridences. Elle diffuse une sorte d’envoûtement. Elle est comme harcelée par les deux autres à l’affût. 

João Camões multiplie, en effet, les attaques, les percussions, les pizz, les grincements, les bourdonnements, les claquements, que sais-je encore tant il déploie un langage inventif sur ses cordes en des jaillissements continus. Il est étourdissant. 

Il retrouve son camarade de jeux, Yves Arques, déjà présent sur « Selon le vent ». Ce dernier n’est pas avare d’interventions; il déploie une large palette de timbres, infatigablement; il trouble nos perceptions et nous déconnecte d’alentour. Une voix majeure.

Dans le dernier tiers de la pièce se développe un tourbillon alto-sax enivrant, fait d’un essaim envahissant, omniprésent, irrepressible et de plaintes, de cris, de micro-percussions devenant souffles éraillés, grondements sourds se mêlant indistinctement à l’électronique et aux suraigües des cordes. L’accalmie se fait progressivement, évoquant une pluie inexorable sur une végétation touffue. 

De fait ce trio a su trouver l’alchimie des matières sonores pour des marées oniriques. Ces agrégats de particules, ces amas cinglants nous portent irrésistiblement, un peu plus loin, en un ailleurs non identifiable, d’une manière incontrôlable.

Une seule pièce sur cet album publié par le label portugais « Creative Source » https://www.creativesourcesrec.com/catalog/catalog_626.html

Je n’ai pas trouvé de version digitale, mais quelques extraits mis obligeamment à notre disposition par Yves Arques. Profitez-en !

 Chroniques autour de João Camōes 

Selon le vent : http://jazzaparis.canalblog.com/archives/2019/06/10/37396063.html

Ear Near : http://jazzaparis.canalblog.com/archives/2016/11/11/34552492.html

À la face du ciel : http://jazzaparis.canalblog.com/archives/2017/02/27/34982676.html

Bien mental : http://jazzaparis.canalblog.com/archives/2015/11/02/32839794.html

... et une petite vidéo associée

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