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Jazz à Paris
26 mars 2020

Milford Graves « Meditation among us » (1977)

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L’album d’une figure du free jazz des USA dans la rubrique ImproJapon a de quoi surprendre. De fait, Milford Graves est le seul états-unien de ce 5tet. Tous les autres sont des aventuriers japonais. A priori, cela signale une certaine ouverture vis à vis de cette émergence musicale, teintée toutefois d’un sentiment que le jazz ne peut être que US, voire noir : les autres musiciens sont derrière, et aucune mention n’est faite dans le titre de cette aventure croisée. Au-delà de cette réserve épidermique, cet album est reconnu comme remarquable, nécessaire à tout honnête homme (oui, femme aussi). Il faut donc l’écouter, voir l'acheter quand ce sera possible.

Les musiciens ? D’abord un second batteur, Toshi Tsuchitori dont nous avions parlé dans la chronique de « Origination » (1975) en compagnie de Mototeru Takagi. Ce n’est pas la première fois qu’une petite formation s’offre une seconde batterie (quoique en 1977 ?), mais ici, avec un leader lui-même batteur, c’est un pari osé et difficile. Quelle place pour chacun ? À l’écoute, je dois avouer mon incertitude : Tsuchitori est un drummer subtil, radical, que je crois entendre à droite. Toujours est-il que les deux batteurs offrent une rythmique infernale, sauvage, laissant une belle place à des roulements quasi africains, impulsant une forte énergie ou marquant, imposant un arrêt surprenant aux cuivres au cours de la première pièce, « Together and Moving », et lançant la reprise, où un peu plus loin, les laissant seuls entre eux. Les patrons sont là.

Ensuite, lesdits cuivres, qui font rêver : réunir Takagi, Kondo et Abe est, je crois, assez  rare. Les spécialistes le diront. Et les déferlantes sont au rendez-vous. Toshinori Kondo (tp) nous éblouit une fois de plus par ses notes fouettés, ses éclairs, sa sonorité déchirante, éblouissante ou fouillant les sons graves du métal, ses grognements, ses segments hachés, presqu’avalés.

Kaoru Abe (as) qui fut à l’origine de la rubrique ImproJapon est ici un peu noyé dans cette roche métamorphique en ébullition. Cela dit, son discours halluciné, ses cris suraigües, ses phrases torturées émergent du magma et on s’y accroche, un peu sans s’en rendre compte. 

Quant à Mototeru Takagi, au tenor, il aime à entrelacer son sax aux autres cuivres. Il est au rendez-vous, une voix majeure. J’avoue qu’au lancement de cette rubrique, ce personnage était un peu périphérique. Les chroniques successives ont prouvé la grande place qu’il occupe. Sa voix un peu rauque, tourmentée, déchirée parfois, nous fait tendre l’oreille. 

Contrairement à d’autres manifestes Free, il n’y a pas de solos dans cet album mais un discours à trois voix en permanents jaillissements. C’est l’ensemble qui fait magma.

Sur la seconde pièce, « Response », une voix surprenante, un peu nasillarde, entonne une sorte de mélopée sur des pulsations franchement africaines, des cris, des gloussements aussi repris à l’alto, à la trompette, au tenor. Ici, l’absence de basse renforce le caractère primal de la musique, sa nudité. Un silence puis un piano !  C’est Milford Graves. C’était aussi lui qui chantait. La trompette apporte des couleurs bleues qui surprennent dans cet album. C’est une grande messe, un gospel improbable, avec des vibratos aigües à l’alto, une trompette qui chante, des rafales au tenor, une ferveur collective, inspirée. La voix reprend, insiste, des mains martèlent les touches du clavier, des geysers jaillissent à la trompette, à l’alto, les percussions déversent leurs avalanches et le tenor harangue. Une ligne mélodique à la trompette s’élève et emporte le groupe vers la conclusion, laissant au piano les notes de la fin. Cette seconde piste est éblouissante.

Les promesses sont tenues : cet album est remarquable, tant par la conjonction des talents que par le magma qui nous submerge. Un enregistrement important du jazz.

Un regret peut-être : cet enregistrement mériterait sûrement d’être retravaillé pour une meilleure qualité sonore. Je reste stupéfié par le « piqué » et la dynamique de certaines publications actuelles de ChapChap ou de NoBusiness. Les professionnels trouveront les mots justes, mais cet album mérite un tel travail. D’autant qu’il est indisponible actuellement.  Quoique ... Dans un tel cas, il faut fouiller et Inconstant Sol apporte une solution, provisoire (voir plus bas)

L’enregistrement est disponible sur YouTube en « Full Album »

 

Sur la page dédiée à cet album  https://inconstantsol.blogspot.com/2011/05/milford-graves-meditation-among-us.html , dans les commentaires, une mention sybilline « 1fichier » proposée par Ernst Grgo Nebhuth . C’est là 

Quelques informations complémentaires  

Origination sur jazzaparis : http://jazzaparis.canalblog.com/archives/2019/12/05/37838569.html

Toshinori Kondo & Eugene Chadbourne : Possibilities of the Color Plastic http://jazzaparis.canalblog.com/archives/2020/01/23/37894396.html


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